En 1934, voici ce qu’écrivait Aliette de Rohan Chabot :

« …Qu’on ne dise pas que c’est peine perdue, que les villages qui laissent tomber leur église ne méritent pas qu’on intervienne. (…), je me souviens d’une église dans laquelle j’entrai au soir d’automne. La nuit tombait, accrochait ses tentures de deuil sur les murs blancs, couverts d’un enduit délabré. Ça et là un morceau de chapiteau luttait avec l’ombre, tardait à lui appartenir. J’allumai une lanterne. C’était le type même de ces petites églises de village, pauvres et dignes où l’effort pour plaire touche par sa réserve même. L’art des grands édifices vient mourir ici, transposé en termes familiers, fleur divine cueillie aux jardins mystérieux de la Beauté et plantée dans le sol vivace de nos campagnes. L’église sentait l’abandon. Elle semblait survivre à un passé aboli et en recherchant les réparations qu’il convenait de faire, je me disais que les sommes dépensées dans l’édifice sauveraient bien ses murs, mais non pas son âme.

Je croyais être seule et m’apprêtais à partir quand une femme sort de l’ombre où elle priait, s’adresse à moi, me conjure de faire les travaux nécessaires. Elle s’exprimait avec une chaleur contenue, et, dans ce sanctuaire vide où la plupart n’entraient plus, la paysanne qu’elle était prenait quelque chose d’auguste, sorte de gardienne du Feu sacré, de Répondante obscure pour le village entier. Ainsi, par elle, l’église remplissait encore son office. Le passé n’expirait pas au bord d’un monde hostile. Une vivante réchauffait encore de ses prières, de ses désirs la cendre des morts, et il n’était pas interdit de penser qu’il en sortirait un renouveau. »