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CHAPELLE DU CHÂTEAU DE LOSMONERIE. Toute demeure seigneuriale comportait, presque de droit, une chapelle privée. Plusieurs solutions étaient possibles pour l’établissement de ce lieu de culte : il pouvait être situé à l’intérieur des bâtiments d’habitation (mais il était alors habituel qu’aucun local à usage profane ne soit aménagé au-dessus ou même au-dessous de l’autel) ; il pouvait aussi trouver place dans une construction indépendante, mais de préférence dans l’enceinte du château.

C’est ce second parti qui fut choisi par Jean Chantois, « élu » (officier royal chargé de la perception de l’impôt) de Limoges lorsque, en 1540, il fit bâtir sa «maison des champs» au lieu-dit Losmonerie (ou l’Osmonerie ou Laumônerie) sur la rive droite de la Vienne. Le logis, orienté est-ouest, comporte une tour d’escalier et une galerie permettant à l’étage le passage vers l’aile ouest (agrandie au début du XVIIe siècle par Jean de Lubersac, époux de Charlotte Chantois, petite-fille de Jean). Comme toutes les constructions en granit, sa décoration est plutôt sobre hormis les couronnements des lucarnes qui relèvent incontestablement du style de la Renaissance.

La cour qui précède le château est limitée par une clôture, dont l’entrée est actuellement marquée par des pilastres et qui est flanquée de deux pavillons qui la séparent de la cour des communs. Un plan d’arpentement de 1629 précise que le pavillon situé à l’est abrite la chapelle ; la mouluration de l’arc brisé de sa porte en granit paraît confirmer qu’elle est bien contemporaine du château. Il en était sans doute de même de l’autre pavillon, très ruiné, mais dont la cheminée suggère qu’il était peut-être à usage d’habitation.

Après la vente de Losmonerie, en 1688, à Jean-Baptiste Tixandier, officier du bureau des finances de Limoges, la chapelle fit l’objet d’aménagements (contrat passé avec les maîtres maçons Martial, Jacques et Jean Dubois, en 1692) ; une modification de la porte, du sol et de l’autel coïncide peut-être avec une dédicace de la chapelle à saint Jean-Baptiste, patron du nouveau châtelain. C’est sans doute au cours de ces travaux que fut créé l’oculus de forme ovale qui surmonte la porte

Plus tard, le 21 juillet 1731, l’évêque de Limoges, sans doute très attentif, comme beaucoup de ses collègues, à la situation des chapelles privées, souvent jugées trop nombreuses, accepta, à la demande du propriétaire, de «confirmer» la chapelle qui était «dans un état très décent, paré de tableaux de dévotion et avec des ornements convenables».

Si la solidité de ses murs a permis à ce petit édifice (6 m x 5 m) de survivre, on ne pouvait que déplorer l’état de sa toiture, «en fer de hache», en partie effondrée, son autel ruiné et ses vitraux brisés. Ces derniers étaient pourtant, avec leur décor armorié et dans la fenêtre sud, une image de saint Jean-Baptiste, signée Thévenot et datée de 1855, un témoignage intéressant du soin avec lequel cette chapelle fut entretenue au XIXe siècle. De plus, Étienne Thévenot (1797-1862), maître verrier important, en particulier pour ses travaux de restauration, était le père de Nancy, épouse (depuis 1854) de Paul de Villelume, alors propriétaire du château.

La restauration, en 2012, de la charpente et de la couverture (surmontée à nouveau par la croix de fer forgé, heureusement conservée), puis, en 2013, celle de l’intérieur, ont permis de préserver un édifice, certes modeste, mais qui par sa position dans son contexte architectural doit être considéré comme un témoin particulièrement significatif d’un certain «art de bâtir».

La Sauvegarde de l’Art français a donné 5 000 € en 2012 pour la restitution de la charpente et de la couverture de la chapelle.

Jean-René Gaborit

 

Arch. dép. Haute-Vienne, séries H supplément, liasse B 486, et G. 755.

J. Gauthier, Manoirs et gentilhommières du Limousin, 17540 Bouhet, La Découvrance, 2005. (1re éd. Paris, 1933.)

 

Le projet en images