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Église Saint-Loup de Pardaillan. Pardaillan est un nom qui résonne dans l’imaginaire français, grâce à Zévaco, évocant pour nous les gentilhommes gascons de la vibrante mythologie qui court sous la plume des feuilletonistes et dramaturges, de Dumas à Rostand, mais Pardailhan[1], dans le Gers, est surtout un imposant château féodal, dont le seigneur devait être tout autre chose qu’un aventurier de petite noblesse, susceptible mais plein de générosité et de panache. La forteresse est aujourd’hui ruinée, mais impressionnante, et surgit, envahie de broussailles, sur une des collines qui constituent le paysage de cette région.

Non loin de là, l’église paroissiale de ce qui fut une commune jusqu’en 1839 est située auprès d’un hameau de quelques maisons[2], avec le cimetière. Modeste, peu élevée (bien moins en fait qu’une maison), c’est incontestablement une église médiévale, dont le plan initial est semblable à celui de milliers d’autres : une nef unique, terminée par une abside hémicirculaire. Ici, l’église ni l’abside ne sont voûtées : est-ce l’influence de l’Aquitaine, où ces dispositions sont plus courantes que dans le reste du Midi, ou est-ce le produit des destructions des guerres de Religion ? On a du mal, en effet, à imaginer ces espaces seulement plafonnés au Moyen Âge, en particulier l’abside, surtout si l’on veut, en suivant Paul Mesplé, attribuer l’église à la fin du XIe s., en raison de son petit appareil régulier. L’édifice, d’ailleurs, a été remanié à l’époque moderne, augmenté au nord d’une chapelle latérale, d’une sacristie et d’un porche charpenté, et son mur occidental a été reconstruit au XIXe s., ainsi que son modeste clocher-mur. L’abside présente à l’extérieur, sur son axe, un massif légèrement saillant, plan, dans lequel s’ouvre la fenêtre primitive du sanctuaire[3] : là nous avons affaire, ici à un vocabulaire architectural incontestablement roman, peut-être du XIe siècle. En effet le portail, sous le porche, semble appartenir à la génération artistique suivante : c’est une porte couverte d’un arc en plein cintre, à deux voussures, retombant sur des impostes décorées de billettes, aujourd’hui bien détériorées. Les voussoirs sont en calcaire blanc, soigneusement taillés. Paul Mesplé avait relié l’édification de ce portail à celle d’un « contre-mur » inachevé, doublant en épaisseur les murs de la nef, bien visible sur une partie du mur sud, bâti avec un moyen appareil de calcaire : cette hypothèse est admissible, par exemple dans le but, au XIIe s. de voûter la nef. Cette initiative serait restée sans lendemain, ou son résultat ruiné postérieurement, ce que je crois plus vraisemblable. En effet, on distingue aujourd’hui très bien que dans la zone du portail, le mur a été ensuite reconstruit en maçonnerie ordinaire, avec deux petites niches de part et d’autre de l’arc, destinées à des statuettes, ou plus modestement à des quinquets. On distingue également sans peine le raccord avec le mur ouest, qui date entièrement du XIXe s., comme le clocher-mur qu’il porte. Dans ce dernier se trouve une cloche du XVIIe siècle[4].

Comme souvent, c’est au XIXe s., après le Concordat, que l’église a été modernisée pour prendre le visage qu’elle nous offre aujourd’hui. Deux éléments principaux en témoignent : la chapelle nord, ouverte sur la nef par deux belles arcades en pierre de taille, et le décor du chœur, en gypserie, qui a un petit air de la fin du XVIIIe s., mais dont le décor doit nous orienter vers une époque plus récente. Quatre pilastres peints en faux marbre portent en effet une corniche garnie de guirlandes tenues par des angelots que séparent des cœurs enflammés. Dans ce décor est inséré, en position centrale, un tableau du XVIIIe s.[5], figurant la Crucifixion avec saint Loup, patron de l’église, image créée pour orner le maître-autel. Il y a longtemps, en effet, que la fenêtre d’axe est murée, puisque sur son bouchage passe la litre funéraire en enduit que l’on suit, à l’extérieur, sur le pourtour de l’abside et sur tout le mur sud de l’édifice (mais non sur le mur nord, ce qui confirme que chapelle et sacristie sont postérieures à la Révolution). Le sol de l’église, en terre cuite et bandes de pierre, est de belle qualité ; il est possible de l’attribuer à la même campagne de travaux, car il englobe la nef et la chapelle ; il porte ce qui semble être une signature gravée dans un cartouche, « J. Thore », architecte ou entrepreneur ?

Les fonts baptismaux sont placés à l’entrée de la nef. C’est une modeste cuve de pierre, mais le pilier qui la porte, quoique très érodé et dégradé, présente des restes de sculpture, peut-être les symboles des évangélistes ; et il peut s’agir d’une œuvre du Moyen Âge, malheureusement presque illisible.

L’église, n’ayant qu’un usage très résiduel, manquait d’entretien et une association s’est créée en 2001 pour en promouvoir la sauvegarde, dont l’action a d’ailleurs été primée au plan départemental en 2008. Pour sa part, la Sauvegarde de l’Art français a apporté, en 2008, 8 000 € destinés à concourir à la restauration du clocher et à la réfection de la toiture, auxquelles ont également contribué le département du Gers et la région Midi-Pyrénées.

 

Olivier Poisson

[1] Pardalhan, ou Pardelhan, orthographié en français Pardaillan, ou Pardeillan (ou fautivement Pardailhan, Pardeilhan), seigneurie de la famille éponyme, Pardaillan de Gondrin, bien connue entre autres par Louis-Henri, marquis de Montespan, époux de la maîtresse de Louis XIV et par le duc d’Antin leur fils (1665-1736).

[2] Il semble qu’il y ait eu une bastide de Pardailhan, au XIIIe s., disparue, mais dont ont conserve les coutumes : P. Castex, « Coutumes du for de Pardelhan », Bulletin de la Société archéologique et historique du Gers, 1902, p. 231 et suiv.

[3] P. Mesplé, Bulletin monumental, 1958, p. 171.

[4] Selon Mme Raymonde Barthe, présidente de l’association de sauvegarde de l’église de Pardailhan, la cloche est datée 1648 et porte l’inscription suivante : « Sainte Marie de Bezolles Messire Bernard de Bezolles conte du dict lieu parrain noble dame Anne Debeon marraine ». Bezolles est une commune proche dont cette cloche doit provenir.

[5] IMH, 3-04-1986.

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