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Hameau de Carbonacce : ancien couvent de capucins d’Oveglia.

De part et d’autre de l’épine dorsale du Cap Corse, des vallées parallèles et successives, ouvertes sur la mer, composent les paysages et les territoires des communautés. Les villages ou les hameaux sont situés un peu en retrait vers l’intérieur, au milieu du terroir cultivé, alors qu’à l’embouchure du cours d’eau se situe la marine, ponctuée de quelques maisons et d’une tour de défense. Le territoire de Cagnano comprend plusieurs hameaux, sans véritable agglomération. L’église paroissiale et la maison commune forment à elles seules l’un d’entre eux, dominé d’assez haut par le couvent Sainte-Marie d’Oveglia. De là-haut la vue embrasse un panorama spectaculaire : toute la vallée, verte, coule devant nous jusqu’à la mer, au-delà de laquelle se dresse la silhouette de l’archipel toscan.

Les couvents franciscains étaient très nombreux en Corse, et pratiquement chaque piève (ensemble de paroisses dépendant d’une église majeure) en possédait un. Aujourd’hui, beaucoup sont délaissés ou ruinés, tandis que d’autres sont convertis à de nouveaux usages.

Le couvent d’Oveglia, dont seule l’église appartient à la commune, a connu une dégradation extrêmement rapide dans les vingt dernières années : isolé au-dessus du village, accessible seulement par un sentier, la construction d’une piste forestière a, semble-t-il, donné le signal du pillage généralisé de l’église et de son mobilier. En quelques années, tout a été démonté et vandalisé,  tableaux et boiseries emportés, les autels percés et les dalles retournées à la recherche d’improbables trésors. Seuls survivants de ce naufrage, deux statuettes en marbre, un précieux tabernacle et un devant d’autel transportés à temps dans l’église paroissiale. En outre, le 21 septembre 1990, un incendie du maquis ravageait toute la zone du couvent, entraînant la disparition complète de la charpente et de la toiture de l’église, dont les voûtes cependant tinrent bon. Pendant quelques années, ce qui n’était plus qu’une ruine ouverte à tous les vents resta à l’abandon. Mais l’église, dédiée à l’Assomption – Santa Maria Assunta – restait chère au cœur de la population, désireuse d’y reprendre le pèlerinage annuel du mois d’août. D’où le projet de restauration, confié à Jacques Moulin, et dont une première étape a été terminée en 2001 : la reconstitution de la charpente et de la toiture en lauzes. Travaux nécessaires : gorgées d’eau de pluie, les voûtes avaient pris un aspect verdâtre, et auraient fini par tomber… Une grille a remplacé, au moins pour quelque temps, la porte de l’église disparue dans les flammes de l’incendie.

Selon une typologie très répandue en Corse, le couvent d’Oveglia est une construction régulière et architecturalement peu ornée. De plan carré, organisé autour d’un cloître (toute la partie du couvent proprement dite est aujourd’hui en ruines), il comprend au nord l’église, de quatre travées, à chevet plat.

La façade est très simple, elle possède pour tout ornement une porte décorée d’un entablement en enduit, reposant sur deux paires de pilastres pareillement en enduit. Au-dessus de l’entablement, un fronton est interrompu par une petite niche, où a pris place un moulage de la statue de la Vierge du XVIe s., peut-être contemporaine de la fondation du couvent, qui avait été mise à l’abri. L’église est couverte d’une voûte en berceau à pénétrations, stabilisée par des tirants en fer. À son flanc nord s’ouvrent trois chapelles latérales, autrefois closes de murets et de claires-voies en bois, dont on voit encore les arrachements. Une quatrième chapelle, moderne, a été supprimée à l’occasion des travaux. Des vestiges de décors ornent encore ces chapelles, quelques gypseries ou peintures fragmentaires. Il faut signaler particulièrement l’autel de la première chapelle près du chœur, qui a conservé un beau retable en maçonnerie et en stuc, à deux colonnes portant un entablement et un fronton, bellement ouvragés, du XVIIe siècle. L’arc d’entrée de la chapelle possède encore son décor, réalisé au stucco lustro. Du maître-autel, placé à l’entrée de l’abside, et du chœur des frères, qui l’occupait, il ne reste rien aujourd’hui. Les Franciscains corses étaient passés maîtres dans l’art de la menuiserie et de la marquetterie,  réalisant (avec un certain retard, parfois, sur l’évolution des styles sur le continent) avec luxe et virtuosité autels, tabernacles, stalles et lambris, meubles de sacristie. De l’ensemble que devait contenir le couvent d’Oveglia il ne reste que les deux objets transportés dans l’église et cités plus haut.

Pour les travaux de reconstitution de la toiture la Sauvegarde de l’Art français, en 2002, a apporté 15 245 €.

O. P.

Le projet en images