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C’est dès le début du IXe s. (846) que la villa de Canavelles apparaît dans les textes, endroit habité et cultivé, en grande partie possédé par le tout proche monastère de Saint-André d’Eixalada, fondé vers la même époque. Ce monastère bénédictin, passé sous la protection du souverain (ses biens lui sont confirmés par un diplôme de Charles le Chauve en 871), situé au bord de la Tet, à l’endroit de sources chaudes connues depuis l’Antiquité, sera détruit par une inondation catastrophique en 878 qui obligera la communauté à se réfugier plus en aval, près de Prades, donnant ainsi naissance à la célèbre abbaye Saint-Michel de Cuxa. Celle-ci restera propriétaire et seigneur du lieu jusqu’à la Révolution. Jusqu’au XVIe s., elle était aussi maître et seigneur du village voisin, Llar, qui fut réuni à Canaveilles en 1821.
Il n’y a cependant pas d’église en ce lieu, semble-t-il, avant le XIe s., le rôle d’église paroissiale pouvant être tenu par l’église Saint-Pierre d’Eixalada (distincte du monastère, et dite encore Saint-Pierre de Cerola), édifice proche dont il reste quelques ruines. Une église Saint-Martin de Canaveilles est citée pour la première fois en 1011, tandis qu’une famille seigneuriale « de Canaveilles » fait aussi son apparition au XIIe siècle : il s’agit sans doute de chevaliers auxquels les moines ont confié la garde du château de Cerola, situé sur le territoire. La présence de l’église comme celle de la famille noble sont peut-être des signes de développement. Cuxa, après Eixalada, a consolidé au cours du Moyen Âge, à des degrés divers, son emprise sur tout ce secteur de la vallée de la Tet : Nyer, En, Thuès, Saint-Thomas, Prats de Balaguer, Canaveilles, Llar. Certains de ces édifices ont déjà fait l’objet de notices dans les Cahiers .
Saint-Martin de Canaveilles est assurément une église romane, bien que sa forme caractéristique soit quelque peu masquée par l’évolution de la construction. Une nef unique, voûtée, se raccorde à une abside hémicirculaire voûtée en cul-de-four par une courte travée de chœur bien individualisée. Au sud, un clocher-tour a servi d’accroche, pourrait-on dire, à une sacristie moderne, construite au sud de l’abside, et à un porche voûté, au sud de la nef. La nef comptait jadis une petite chapelle au nord, aujourd’hui ruinée, dont ne subsiste qu’un renfoncement en forme d’arcade. À l’extérieur, un reste de la voûte de cette chapelle dépasse encore du mur. Ce pouvait être la chapelle seigneuriale, du moins celle de la famille de Canaveilles citée entre le XIIe et le XVe siècle. La voûte de la nef, en berceau brisé, qui s’élève suffisamment au-dessus de la travée de chœur pour donner jour à la nef par un oculus, paraît plus tardive. Elle est peut-être contemporaine du porche sud, puisque l’on note sur le mur nord deux surélévations successives, qui doivent correspondre à des états différents du profil de la toiture : celle-ci, aujourd’hui, couvre d’un seul mouvement nef et porche. La construction la plus ancienne est bien celle de la nef et de son abside, avec une maçonnerie de blocs de schiste assez réguliers, équarris et choisis. Les autres parties de l’édifice sont plus rustiques. Rien n’est vraiment caractéristique dans les ouvertures, si ce n’est la porte de l’église, à deux archivoltes, sans décor. Voilà, une fois de plus un édifice « basique » de l’art roman, difficile à dater, mais que l’on a du mal à placer au XIe s., époque où, justement dans le sillage des entreprises considérables de l’abbé Oliba à Saint-Michel de Cuxa, ou de son frère le comte Guifred à Saint-Martin du Canigou, on voit se répandre dans ce territoire des constructions typiques du « premier art roman » avec sa facture et son décor si particuliers, absents à Canaveilles.
Le clocher est une tour carrée qui distingue cette église, tant la formule du clocher-mur à deux ou trois arcades est plus souvent répandue dans ce pays. Il a lui aussi été augmenté, et son amortissement est aujourd’hui assez composite : son toit pyramidal revêtu de lauzes est tronqué pour laisser place à un campanile rudimentaire en fer, portant une cloche ; deux autres cloches apparaissent à la face sud, l’une dans la baie haute de la tour, la seconde dans une sorte de lucarne qui s’ouvre dans le petit toit. Ces dispositions sont sans doute modernes.
À l’intérieur, parmi le mobilier, on remarque une cuve baptismale romane, ou au moins du XIIIe s., sobrement sculptée, et un bas-relief de pierre représentant saint Pierre avec ses clés (daté 1309), venu sans doute de l’église de Serola ; lui a été associée une inscription commémorative (1326). On voit encore quelques statues et une prédelle de retable, panneau peint du XVIIe s. figurant le miracle de l’Image de Soriano, sans doute vestiges du décor de cette église réalisé aux temps de la Contre-Réforme. Tout l’intérieur de l’église a malheureusement été jadis drastiquement décapé, et les joints des pierres soulignés d’un mortier hydraulique gris. L’aspect n’est pas très agréable. Les travaux entrepris par la commune en 2011 ont porté sur l’extérieur ; ils ont considérablement amélioré la présentation de l’édifice : la toiture en fibrociment a été remplacée par une couverture en ardoises, les murs rejointoyés, de disgracieux parpaings éliminés. La Sauvegarde de l’Art français y a contribué pour 5 000 € en 2011.

Olivier Poisson

Bibliographie :

J. Sagnes (dir.), Le Pays catalan, Pau, 1985 [« Canaveilles », par P. Ponsich, t. II, p. 899].
Catalunya romànica, VII, Cerdanya Conflent, Barcelone, 1995 [« Canavelles », p. 324].

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