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Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Wittiza est un roi wisigoth du début du VIIIe siècle, dont les chroniques ont laissé un portrait peu flatteur de tyran cruel et débauché. Les historiens roussillonnais ont, quant à eux, identifié l’origine du nom de lieu Aytuà (ou Aituà), écrit au XIe siècle Vitesanum ou Vhitezanum,[1] en 1672 encore Huytezà, dans un anthroponyme semblable. Un anthropotoponyme signale souvent un domaine rural par le nom de son propriétaire et l’histoire n’a pas laissé d’autre éphéméride pour ce modeste lieu habité, possession comtale au XIe siècle, engagée à l’abbaye Saint-Martin du Canigou en 1084. La seigneurie, finalement vendue semble-t-il par le comte-roi en 1381, connaîtra de nombreux possesseurs, y compris non nobles, jusqu’à la Révolution[2]. Au spirituel, le lieu relève de la paroisse d’Escaró et ne possède pas de lieu de culte avant la fin du XVIe siècle.

En 1592, un pagès (laboureur) du lieu, Joan Parent, teste pour y remédier : soixante-quinze journaux[3] de terre de sa succession, valant soixante-quinze livres, doivent être vendus afin d’y construire une église, ce dont le chanoine Boscà, vicaire général du diocèse d’Elne,sede vacante, s’acquitte peu après[4].

S’élève donc sur ces entrefaites la petite église Sainte-Christine, qui nous est parvenue intacte. Si l’on ne connaissait pas le testament de Joan Parent, on daterait sans doute cet édifice du Moyen Âge, puisqu’il correspond à la typologie la plus courante des petits édifices romans des XIe et XIIe siècles, très répandus en Roussillon, Conflent, ou Cerdagne. Nef unique voûtée en berceau, abside en hémicycle voûtée en cul-de-four et voilà tout. La voûte plutôt irrégulière de l’abside attire cependant l’attention, ainsi que l’absence de toute modénature ou de toute forme de décor architectural. L’édifice, d’ailleurs irrégulier, dont la nef n’a pas plus de huit mètres de long et trois de large, s’implante sur une petite parcelle au bord du chemin. Il possède une tribune en bois, accessible par quelques marches et est flanqué au nord d’une sacristie couverte d’un appentis en charpente.

Le clocher est une simple arcature, cependant juchée au-dessus d’un petit édicule cubique qui inclut lui-même, peut-être, une arcature primitive, simple, sur sa face ouest. La superposition des deux éléments est sans doute la seule modification architecturale jamais connue par cette construction modeste.

Pour tout mobilier, il présente un petit retable (remanié) en bois, trois niches pour trois statues, sainte Christine au centre, peut être la statue d’origine, saint Jacques et une autre martyre.

Dans la sacristie, une vitrine récemment installée présente quelques objets, deux statues et un beau calice du XVIIe siècle, appartenant lui aussi, peut-être, à la dotation initiale de ce petit sanctuaire.

Initiée des 2009 par une inspection alarmante du « Plan-objets », la restauration complète de cette petite église a été réalisée en 2014-2016 à l’initiative d’une association locale, avec le concours de la Sauvegarde de l’Art français pour 10 000 € et d’autres partenaires publics et privés. Elle a consisté en travaux d’assainissement, réfection complète des enduits intérieurs comme extérieurs, réfection des toitures, réinstallation du petit retable dans l’abside, restauration du meuble de sacristie et création d’une vitrine pour les objets anciens. Tous travaux conduits par M. Bruno Morin, architecte du Patrimoine.

Olivier Poisson

 

En 2014, la chapelle Sainte-Christine d’Aytuà a reçu le Grand Prix Pèlerin de la Transmission et du Partage attribué par la Sauvegarde de l’Art Français.

Notes

[1] P. Ponsich 1980, p. 103; Sagnes 1985, p. 934.

[2] éléments inédits recueillis aux archives des Pyrénées-Orientales par Bruno Morin, architecte, à l’occasion de son étude sur cet édifice.

[3] lejornal est une mesure agraire correspondant à la surface de terre labourable en un jour; en Conflent, il vaut environ 35,5 ares.

[4] Cazes1990, p. 146.

Bibliographie

Giralt 1903 : Giralt, J., « La seigneurie d’Huytéza », dans Revue d’Histoire et d’Archéologie du Roussillon, 1903.

Giralt 1911 :Giralt, J., « Notice historique sur les communes de Jujols et Escaro », dans Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, 52, 1911, p. 25-35.

Ponsich 1980 : Ponsich, P., « Limites historiques et répertoire toponymique de lieux habités de Rosselló, Vallespir, Conflent, Capcir, Cerdanya, Fenolledès », Terra Nostra, n°37, 1980, 199 p.

Sagnes 1985 : Sagnes, J., (dir.) Le Pays Catalan, Pau, SNERD, 1985, 2 vol., 1136 p. [répertoire des communes : t. II, p. 873-1096].

Cazes 1990 : Cazes, A., Le Roussillon sacré [2e éd.], Prades, Conflent, 1990, 196 p.

Le projet en images

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Escaró Aytuà (66) Chapelle Sainte-Christine - Sauvegarde de l'Art Français

Crédits : Bruno Morin, Architecte du patrimoine, 2014