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Église Saint-Barthélemy de Bajande. L’acte de consécration de la cathédrale Sainte-Marie de la Seu d’Urgell, dressant la liste des paroisses de ce diocèse, et parmi elles Bajande (Baiamite) date-t-il des années 819 (ou 839), selon ce qu’il proclame, ou est-il un acte plus ou moins faux et remanié, datant des environs de l’an mil ? Les historiens tranchent plutôt pour la seconde solution, les raisons historiques ne manquant pas, aux environs de 980, ou de 1024, pour suggérer aux évêques d’Urgell de légitimer, par une origine ancienne, l’étendue de leur juridiction. Ce débat est important, évidemment, pour caractériser l’ancienneté de cette petite église romane, toute simple, placée sur une éminence dominant une partie de la plaine de Cerdagne, à 1 300 m d’altitude.

Son existence, en tout cas, n’est attestée par d’autres documents qu’au XIe s., puisqu’elle apparaît choisie à cette époque pour des actes solennels, la publication et le serment de testaments spirituels de personnages importants, en premier lieu celui de l’évêque Salla (6 novembre 1010), ou celui du lévite Guitard (22 septembre 1044). L’église a-t-elle d’ailleurs été construite ou reconstruite à cette époque ? Le testament de l’évêque Isarn, le 13 mai 1044, dispose, entre autres choses, de 6 mancusos, à prendre sur le prix de vente de son cheval, pour l’église de Bajande, ad ipsa dedicatione  : s’agissait-il de pourvoir aux frais de la cérémonie de consécration ?

À la fin du siècle, en 1094, le comte de Cerdagne Guillem Ramon fait don de la villa d’Estavar à l‘abbaye Saint-Michel de Cuxa, où celle-ci possédait déjà des biens. Cette donation au puissant monastère a-t-elle comporté également Bajande ? Toujours est-il qu’au cours du Moyen Âge, Saint-Barthélemy n’apparaît plus comme paroisse, ni dans le rôle d’une dîme exceptionnelle payée en 1279-1280 dans le diocèse, ni dans la liste des églises inspectées par les visiteurs envoyés par l’archevêque de Tarragone de 1312 à 1314. Elle est devenue, semble-t-il, une simple annexe d’Estavar, même si, aujourd’hui encore, la présence d’un cimetière et celle de fonts baptismaux médiévaux témoignent de ses fonctions paroissiales anciennes.

L’édifice que l’on peut voir aujourd’hui est tout simple, et l’on a bien du mal à y discerner les traits stylistiques qui permettraient de proposer une datation par comparaison avec d’autres édifices. Nef rectangulaire voûtée en plein cintre, sommée d’une abside voûtée, comme des milliers d’églises. On remarque, à l’intérieur, que cette abside se raccorde pratiquement sans transition sur la nef, sans travée de chœur ni même arc triomphal. À l’extérieur, un léger ressaut marque la naissance de l’abside, tandis qu’un mur en surcroît, sur la toiture, marque la césure entre nef et abside : mais il ne se situe pas à l’aplomb de ce ressaut, ce qui fait penser à un édifice remanié. L’abside, hémicirculaire et couverte d’un cul-de-four, n’a aucune décoration, ni intérieure ni extérieure, et sa maçonnerie, irrégulière, non assisée, n’évoque pas le savoir-faire des maçons du premier art roman du XIe siècle. On serait, n’était l’étroitesse de la baie d’axe, tenté d’y voir une reconstruction, peut-être tardive.

Il y a d’autres parties de l’édifice qui n’appartiennent pas à l’époque médiévale : la sacristie construite du côté sud, bien sûr, et côté nord un imposant contrefort, qui, là encore, est peut-être la trace d’heurs et malheurs d’un édifice dont l’histoire a dû être plus mouvementée qu’il n’y paraît ; enfin, le clocher-mur, presque disproportionné, qui couronne de ses deux baies rectangulaires le mur occidental. Deux cloches y sont pendues, aux jougs en forme de losange. La porte méridionale est le seul accès de l’édifice, simple arc de plein cintre appareillé en granit, pas même décoré d’un chanfrein : là encore, on peut hésiter entre le Moyen Âge et l’époque moderne…

Autour de l’église subsiste le cimetière, d’où se découvre le panorama grandiose de la plaine cerdane. On y voit encore quelques tombes du XVIIe et du XVIIIe s., avec leurs larges dalles de granit inscrites, selon l’usage du pays. Le site serait magnifique si un important bâtiment agricole en matériaux modernes ne s’élevait pas à proximité immédiate de l’église, injure faite au site dénoncée depuis longtemps, mais qui dure.

Pour participer à la consolidation de la maçonnerie et à la restauration de la couverture de l’église, la Sauvegarde de l’Art français a accordé une aide de 8 000 € en 2011.

 

Olivier Poisson

 

 

 

Bibliographie :

 

  1. Sagnes (dir.), Le Pays catalan, Pau, SNERD, 1985 [« Estavar », par P. Ponsich, t. II, p. 938].

Catalunya romànica, VII, Cerdanya Conflent, Barcelone, 1995 [« Estavar », p. 335].

 

 

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