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Le village de Gailhan, dans les garrigues de Quissac qui déjà annoncent le pays cévenol, s’allonge modestement sur un coteau boisé, le long d’une rue presque unique qui suit une courbe de niveau. La plus ancienne mention du lieu remonte à 1157. L’église Saint-Privat est au sud, en lisière du village. C’est une paroisse du diocèse de Nîmes (qui incluait le territoire de Sardan), et les sondages archéologiques de 2004 ont montré qu’un édifice chrétien devait exister en ce lieu dès le Ve siècle. Gailhan prend d’ailleurs, sans doute, la suite d’un lieu habité dans l’Antiquité, sans solution de continuité. Nous sommes ici au voisinage de l’oppidum dit du Plan de la Tour (commune de Gailhan), occupé depuis le Ve s. avant notre ère.

L’église Saint-Privat est un édifice modeste mais élégant, qui montre très clairement trois phases de construction, dont la première, la plus intéressante, est restée heureusement prépondérante. Il s’agit d’une architecture du XIe s., typique du premier art roman, qui combine l’esthétique de ce style avec une exécution soignée en pierre de taille. Nef unique rectangulaire de modestes dimensions, prolongée à l’origine d’une abside hémicirculaire, ses murs extérieurs sont scandés de pilastres qui soulignent les travées, ceux-ci peut-être joints sous la corniche par des bandes d’arcatures dites lombardes, si nous nous référons au «système» bien décrit de cette architecture, mais dont il ne reste aucune trace, les murs ayant été abaissés. L’appareil est soigné et de petit module, incluant des remplois (notamment autour du portail sud) et jouant assez manifestement de deux qualités de pierre, l’une plus grise et l’autre plus claire. Les intentions de polychromie sont clairement exprimées dans l’archivolte du portail, aujourd’hui muré, où la clé, assez claire, est encadrée de deux claveaux plus sombres. Il reste une autre baie de cette époque, étroite et haute, à la première travée. Au sommet de la façade ouest, une ouverture cruciforme, typique là encore du style et de l’époque, ponctue l’élévation de l’édifice. Le clocher qui termine le mur-pignon est constitué  d’une simple arcade, vestige d’un petit clocher carré, du XIe s. lui aussi, dont subsiste un fragment de parement décoré de dents d’engrenage. Ce petit clocheton devait porter sur le mur de façade et sur la voûte de la première travée de la nef (celle-ci bien plus courte que les autres sans doute pour cette raison) ; il a disparu avec les voûtes romanes. Au revers de la façade, au-dessus de la couverture actuelle, on distingue très bien le profil du berceau initial.

  l’intérieur, on constate que les trois travées romanes, inégales, ont été voûtées tardivement sur croisées d’ogives, voûtement en trois travées égales, jusqu’ici attribué au XVe s., mais dont on peut se demander s’il ne s’agirait pas plutôt d’un voûtement du XVIe s. immédiatement postérieur aux guerres de Religion, celles-ci ayant été généralement l’occasion de la ruine des édifices médiévaux de cette région. Les moulurations des nervures, les clés ornées de fleurons de ces deux voûtes ne rendent pas cette hypothèse impossible, d’autant plus que les raccords assez hasardeux entre ce voûtement et les structures romanes laissent plutôt l’impression d’une réparation de fortune. C’est en tout cas plus tard, dans la deuxième moitié du XVIIe s., d’après les archéologues, que l’église est agrandie vers l’est : l’abside romane disparaît (si elle subsistait encore), et est remplacée par un chœur profond et une abside rectangulaire, doublée d’une sacristie sur son flanc sud. Cette nouvelle construction est en pierre de taille régulière, presque de grand appareil, mais en calcaire marneux de mauvaise qualité, dont le parement extérieur est aujourd’hui très altéré. Il faut noter que plusieurs visites pastorales du XVIIe s., en 1611, 1664, 1674, 1686 et 1694 ne donnent aucune indication précise permettant de dater ces travaux. Lors de la première, l’édifice est en bon état, mais lors de la suivante, en 1664, un coin menace ruine, en raison d’un arbre qu’on a laissé se développer dans un mur. En 1674, cela semble réparé, et l’évêque prescrit de crépir et blanchir l’église, ce qui tardera, puisque ce n’est pas encore fait en 1686. En 1702, la paroisse, jusque-là prieuré-cure qui semble un bénéfice rémunérateur plutôt convoité, est unie au Séminaire de Nîmes, qui la fera desservir par un vicaire. Au XIXe s., on remanie des ouvertures et on crée un portail néo-roman à l’ouest ; en effet, le portail du XIe s. était au sud ; après avoir été muré, son ébrasement intérieur avait été aménagé en confessionnal. Une tribune pour les chanteurs fut construite au revers de la nouvelle façade. Il faut sans doute placer ces travaux après 1846, date à laquelle la paroisse, réunie à Carnas en 1802, est rétablie.

L’édifice présentait depuis longtemps certains désordres, et avait été consolidé à l’aide de tirants particulièrement disgracieux. Une campagne de travaux souhaitée par la municipalité a permis de refaire en entier les toitures et d’y intégrer les chaînages et les tirants peu discrets afin de consolider l’édifice. L’ensemble des façades a été réparé et rejointoyé. Le service régional de l’Archéologie a prescrit à l’occasion de ces travaux des sondages archéologiques, qui ont permis de confirmer la chronologie apparente des phases de construction, et de découvrir, comme on pouvait s’y attendre, de nombreuses sépultures dans l’église. Cette opération va nécessiter une nouvelle campagne de travaux, incluant la réfection du sol intérieur.

La Sauvegarde de l’Art français a versé une contribution de 7 000 € en 2004 pour les travaux de maçonnerie et de couverture.

 

 

Olivier Poisson

Le projet en images