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Gonneville-sur-Honfleur (Calvados) - église Saint-Martin - La Sauvegarde de l'Art Français

Située presque à la lisière de l’agglomération, au croisement de deux routes probablement d’origine ancienne, l’église Saint-Romain est en position très légèrement surélevée. Les ouvertures régulières percées à la partie supérieure des murs de la longue nef et qui ne sont pas sans rappeler les « mirandes » languedociennes sont, à première vue, le caractère le plus remarquable du monument et semblent attester que l’église fut, sinon véritablement fortifiée, du moins aménagée en refuge durant des périodes de troubles. Mais cette disposition assez rare ne doit pas faire oublier que l’édifice a été un bel exemple d’art roman saintongeais et demeure, malgré les mutilations qu’il a subies, un monument fort intéressant.

Dans son état actuel l’église a un plan cruciforme ; il n’est nullement certain qu’il en fut ainsi dès l’origine, car les bras du transept, dont les voûtes sont très basses par rapport à celle de la nef, se raccordent assez maladroitement à celle-ci par un système de mouluration peu cohérent. Il n’est pas exclu que ces croisillons, très larges et éclairés chacun, au nord comme au sud, par un grand oculus manifestement tardif, aient remplacé un transept de taille plus modeste. Le fait que la coupole sur trompes, ornées à la partie inférieure de modillons en forme de têtes, et que surmonte, à l’extérieur, un beau clocher dont la partie inférieure remonte à l’époque romane, n’ait pas été placée, selon l’usage le plus fréquent dans la région, à la croisée, mais ait été, en quelque sorte, reportée au-dessus de la travée droite précédant l’abside semi-circulaire, ne plaide pas en faveur de cette hypothèse. Il est plus vraisemblable que l’église ne comportait à l’origine qu’une nef unique.

Un effondrement partiel a profondément altéré, à une date sans doute ancienne, l’aspect extérieur du chevet en faisant disparaître trois des cinq arcs plaqués qui le confortaient à l’extérieur. Or, si l’on en juge par les deux arcs encore en place du côté sud et même par l’amorce d’arc subsistant du côté nord, l’ensemble de l’abside comportait un décor très soigné de chapiteaux et de modillons (avec, en particulier une très belle tête féminine, du côté sud et une étonnante tête barbue dans l’angle nord-est).

La relative abondance et la qualité du décor sculpté sont en effet un des aspects les plus intéressants de l’église de Guitinières. Le portail occidental comporte trois voussures nues, entre lesquelles sont insérées des cordons décoratifs, et une quatrième voussure à décor de « nids d’abeilles ». Les chapiteaux, malheureusement assez rongés, présentent le répertoire décoratif et, particulièrement du côté dextre, animalier habituel en Saintonge. Il faut noter aussi que plusieurs des colonnettes du portail comportent des incisions qui, sans former de véritables anneaux, rompent la nudité des fûts.

Si les chapiteaux des trois travées de la nef sont de belle qualité (l’un d’eux a été retaillé à la fin du Moyen âge et montre deux figures d’anges), ceux du chevet sont véritablement remarquables : on y voit des hommes entourés d’animaux plus ou moins monstrueux et pris dans des entrelacs végétaux, et aussi, motif plus rare, à l’entrée de l’abside, à droite de l’autel, une image de la Luxure. Stylistiquement ces chapiteaux sont très proches de ceux de la nef de Saint-Eutrope de Saintes et l’intervention d’un sculpteur issu de cet atelier, le troisième actif sur ce chantier particulièrement important, paraît très probable, avec cependant, du côté sud et à un emplacement peu visible, la présence inattendue d’un chapiteau orné de palmettes nues mais très saillantes qui rappellent plutôt les chapiteaux du sud-ouest.

Le mobilier de l’église de Guitinières est assez pauvre ; à la base d’une des colonnes engagées de la nef, du côté nord, une inscription conserve le souvenir de la réfection du dallage en 1732. L’autel néo-roman s’inscrit assez bien dans le volume de l’abside ; mais il faut surtout noter la présence, dans le croisillon nord de deux Anges adorateurs en pierre, qui pourraient dater du début du XIXe s. et qui sont très probablement les vestiges d’un décor d’autel assez ambitieux.

Les récentes interventions, sur les extérieurs du chevet et du clocher, ont heureusement remis en valeur ces intéressants témoins de l’art roman saintongeais. Pour y participer, la Sauvegarde de l’Art français a accordé un don de 4 000 € en 2011.

 

 

Jean-René Gaborit

 

Bibliographie :

 

Ch. Connoué, Les églises de Saintonge. V. Jonzac et ses environs, Saintes, 1964, p. 75-76.

Fr. Eygun, Saintonge romane, La Pierre-qui-Vire, Zodiaque, 1970, p. 30.

  1. Crozet, L’art roman en Saintonge, Paris, 1971, p. 70, 147 et 175.

La sculpture romane en Saintonge, sous la dir. de J. Lacoste, Bordeaux, 1998, p. 194-195 (notice de Michèle Gaborit).

 

Le projet en images

Gonneville-sur-Honfleur (Calvados) - église Saint-Martin - La Sauvegarde de l'Art Français