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Le village du Lauzet garde l’entrée occidentale de la vallée de l’Ubaye (vallée de Barcelonnette), affluent de la rive gauche de la Durance qui met celle-ci en relation avec le Piémont par les cols alpins. Les échanges autour du textile entre la vallée et le bas pays ont joué un rôle déterminant dans l’histoire de l’Ubaye. Ces contacts ont lieu surtout avec la basse Provence au Moyen Âge, puis avec le Piémont aux temps modernes, depuis que l’Ubaye fait partie du duché de Savoie ; aux XIXe et XXe siècles, ils se sont étendus à  Lyon et au Mexique.  Ils assoient l’économie de la vallée et ils assurent l’ouverture de cette dernière aux cultures citadines – on peut en dire autant d’autres vallées comme la Maurienne ou la Tarentaise : la modernité y pénètre grâce aux échanges et à la médiation des expatriés donateurs.

L’église Saint-Laurent est un bon exemple des églises de la Contre-Réforme catholique des villages et bourgs de la vallée de l’Ubaye et, plus largement, des Alpes françaises. Au milieu d’un village qui s’étire entre deux rochers, eux-mêmes serrés entre le torrent de l’Ubaye creusant une gorge et un petit lac glaciaire, le Lauzet, l’église paroissiale forme un volume imposant, sa façade latérale sud-est constituant l’un des côtés de la place du village.

Construite en 1715, elle a bénéficié de l’aide financière d’un marchand de tissu de Turin, Joseph Vigne.

Le volume intérieur de l’église se compose d’une ample nef unique (210 m2, 13 m sous clef de voûte), prolongée par un chœur carré, plus bas et plus étroit. La nef comporte trois travées voûtées d’arêtes, séparées par des doubleaux que portent des pilastres à dosserets. Sous les grands arcs aveugles des murs gouttereaux ont été placés des autels latéraux avec retables. Les fenêtres, percées au-dessus de la corniche, dispensent une lumière abondante, même aujourd’hui en dépit des vitraux colorés du XIXe s., plus encore à l’origine où il faut imaginer des verres clairs, comme les conservent d’autres églises et chapelles baroques de la vallée. Ainsi sont traduits les préceptes architecturaux du concile de Trente : une grande halle à prêcher, un espace lumineux où le fidèle peut accéder à la lecture individuelle des textes sacrés sélectionnés dans son missel, et où il peut se confier aux saints intercesseurs dont les images peintes et sculptées l’entourent.

Le chœur a changé sensiblement de caractère après les travaux de peinture et d’ornement du milieu du XIXe siècle. Napoléon III (qui avait à faire oublier la répression des républicains haut-provençaux soulevés après son coup d’État du 2 décembre 1851) s’est montré généreux. Mais cet appel massif à la couleur et à un décor néo-médiéval est dans le goût de l’époque et l’on peut comparer cette réalisation à celle de l’église de Saint-André-les-Alpes, construite de l’autre côté des cols, de 1847 à 1849.

Au-dessus du maître-autel, une grande Vierge de Miséricorde protégeant l’ordre des Dominicains (fin du XVIIe s.), d’un beau mouvement baroque, est une des rares toiles du peintre Jacques Bottero, hors du comté de Nice (classée en 1995). Elle provient du couvent des Dominicains de Barcelonnette, disparu après la Révolution. Sur les côtés du chœur, une Cène, un Martyre de saint Laurent, et dans la nef un Sacré-Cœur de Jésus sont dus au peintre Fidèle Patritti qui, durant la première moitié du XIXe s., perpétue dans les églises des Alpes provençales la sensibilité baroque.

L’extérieur de l’église, en maçonnerie de moellons sans enduit, est resté inachevé. Seules la porte axiale (sur l’étroite grand-rue) et la porte latérale vers la place Marie-Gastinel ont reçu des encadrements de pierre, soignés mais modestes. Au sud du chœur, un haut clocher carré couronné d’une flèche octogonale de pierre cantonnée de quatre pyramidions s’inscrit dans la tradition des clochers d’églises de la Durance.

En 2007-2008, un chantier de réhabilitation conduit par l’architecte Pierre Bischoff a porté sur la mise hors d’eau du bâtiment mais aussi sur ses structures : la charpente existante s’est révélée dangereuse et menaçante pour les voûtes. Elle a été remplacée tandis qu’un chaînage a été mis en périphérie pour consolider l’édifice.

Les couvertures anciennes ont été remplacées par des ardoises d’Espagne. Les diverses fissures, tant intérieures qu’extérieures, ont été reprises, les encadrements des fenêtres refaits. Enfin ont été restaurés les vitraux et la toile représentant La Cène.

Pour la mise hors d’eau de l’édifice, la Sauvegarde de l’Art Français a accordé une aide de 16 000 € en 2008.

Pierre Coste

Le projet en images