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Il est bien difficile de distinguer, dans la topographie actuelle de l’Isle-d’Espagnac, la petite butte sur laquelle fut construit, au-dessus d’une zone marécageuse alimentée par la Font-Noire, affluent de la Touvre, un habitat dont l’église Saint-Michel est mentionnée, pour la première fois en 1110, en tant que possession du chapitre de la cathédrale d’Angoulême. Le village a été englobé, au XXe s., dans l’extension de la banlieue nord de cette ville et le petit réseau de ruelles étroites qui enserre l’église paroissiale contraste fortement avec le tissu urbain assez lâche du reste de l’agglomération, structuré autour de quelques grands axes de circulation.
La date de construction de l’édifice actuel (il ne reste, semble-t-il, aucun vestige de celui de 1110) n’est pas facile à déterminer : l’emploi systématique, dans cette église à nef unique, du grand appareil, le profil très brisé de la voûte en berceau de la nef, la nudité des chapiteaux qui portent les doubleaux et le cordon de billettes qui souligne la double voussure du très modeste portail occidental, suggèrent la fin du XIIe siècle. Mais les réparations, réfections et reconstructions partielles, furent nombreuses, liées sans doute à la proximité d’Angoulême : elles attestent que l’Isle-d’Espagnac fut la victime collatérale des conflits dont la capitale de l’Angoumois fut l’objet, d’abord durant les guerres franco-anglaises, puis au cours des luttes religieuses du XVIe siècle. Ainsi le chœur fut-il reconstruit, probablement au XVe s., sur un plan carré et pourvu d’une voûte d’ogives à liernes (forme archaïsante de voûte angevine selon Pierre Dubourg-Noves) qui fut restaurée en 1618, alors même, peut-être, que l’on perçait (ou agrandissait ?) deux baies dans les murs sud et est du chevet afin d’en améliorer l’éclairage. Rien ne montre mieux, d’ailleurs, l’histoire compliquée de l’église de l’Isle-d’Espagnac que l’examen de la partie inférieure des murs de la nef : au nord, à l’extérieur, un enfeu, soigneusement appareillé, a été construit en même temps que le massif qui contient l’escalier de l’ancien clocher auquel il sert de base ; au sud, un autre enfeu voisine avec une niche curieusement insérée dans la base d’un contrefort plat ; un peu plus à l’ouest, une porte étroite, peut-être d’origine, a été sommairement bouchée et transformée en niche intérieure.
La chapelle, couverte d’une voûte en plein cintre, située du côté nord dans la seconde travée de la nef, faisait fonction, au XVIIe s., de chapelle seigneuriale pour la famille du Souchet (une litre à ses armes est mentionnée au XVIIIe siècle) ; mais, comme en témoignent les colonnes qui soutiennent l’arc d’entrée, elle a remplacé une structure plus ancienne ; peut-être la base de l’ancien clocher dont l’escalier subsiste, dans le massif de maçonnerie déjà cité, qui jouxte la paroi occidentale de cette chapelle. En 1859, la municipalité décida la construction d’un clocher implanté en partie sur des structures plus anciennes au nord du chœur ; foudroyé, il fut réparé en 1913.
En fait d’objet mobilier ancien, l’église de l’Isle-d’Espagnac ne conserve qu’une statuette de la Vierge debout portant l’Enfant. Considérée souvent comme une œuvre très ancienne, et identifiée avec celle volée par les habitants du village voisin de Pontouvre, reprise par ceux de l’Isle-d’Espagnac, cachée par leurs soins, un siècle durant, au fond d’un étang avant d’être rendue à la dévotion des paroissiens, cette sculpture paraît relever de l’art populaire et dater au plus tôt du XVIe siècle. On ne peut toutefois écarter totalement l’hypothèse selon laquelle il s’agirait d’une œuvre plus ancienne, entièrement retravaillée par une main assez maladroite pour tenter d’effacer des marques d’usure ou de mutilations. La chapelle nord a par ailleurs été pourvue, en 1943, d’un vitrail représentant l’Assomption et, en 1989, un autre vitrail, conçu par J. Navarre sur le thème du Stabat Mater, a été mis en place dans la fenêtre de la façade occidentale.

L’église de l’Isle-d’Espagnac dont la toiture était intégralement à reprendre (avec auparavant une intervention importante sur la charpente du chœur) et dont les maçonneries étaient désorganisées (en particulier dans les parties hautes du mur gouttereau nord), méritait une restauration. La Sauvegarde de l’Art français y a contribué pour une somme de 10 000 € en 2010.

Jean-René Gaborit

Bibliographie :

J. George et A. Guérin-Boutaud, Les églises romanes de l’ancien diocèse d’Angoulême. Angoulême, 1928, p. 337.
J. George, Les églises de France. Charente. Paris, 1933, p. 128.
J. Baudet, S. Gignac et M. Ortiz, L’Isle-d’Espagnac, Angoulême, 1996, p. 4-7 (Coll. Patrimoine de l’Angoumois).
P. Dubourg-Noves, Les églises de Charente, Angoulême (à paraître).

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