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Saint-Remi est aujourd’hui l’église paroissiale d’un petit village, au bord de la Couze Pavin, à une lieue d’Issoire. Mais elle fut initialement église castrale, élément d’enceinte de l’ancien château de Meilhaud. Elle est donc liée à l’histoire des possesseurs de cette seigneurie.

Non loin de Vodable, capitale du Dauphiné d’Auvergne, Meilhaud est sur son territoire, et entre même à la fin du XIIIe s. dans le domaine delphinal. Mais en  1387  le  duc  de  Berry  pour  établir  la  fortune  de  son  homme de confiance, Morinot de Tourzel, oblige Béraud Dauphin à lui vendre Meilhaud, en même temps qu’il le met en possession d’Allègre (Haute­ Loire). Meilhaud (voisin du fief éponyme de Tourzel, qui ne comporte pas de château) et Allègre deviennent ainsi les deux pôles des possessions auver­ gnates de cette famille, soudain portée au premier rang.

On sait l’activité de bâtisseur de Morinot, dans les dernières années de  sa vie : il reconstruisit Allègre, et l’on peut supposer qu’ il fit aussi  de Meilhaud un château digne de lui. Cependant, la chapelle castrale  devait déjà exister du temps des Dauphins.

La proximité d’Issoire fit de Meilhaud une place importance pendant les guerres du XVIe s., d’autant plus que la famille y joua les premiers rôles. Des quatre frères protagonistes, Antoine, protestant et cadet, est connu sous le nom de Meilhaud. Son fils Yves IV, l’un des chefs du parti royaliste, s’empara d’Issoire à partir de Meilhaud, avant de périr assassiné, des mains de son compagnon Liron , à qui il rep rochai t de lui avoir « volé le château de Meilhaud » .

Mais la famille délaisse Meilhaud au XVIIe s., pour le château de Montaigut­ le-Blanc (près de Champeix), apporté par un mariage. Le maréchal d’Allègre (1653-1724), privé d’Allègre qu’un incendie détruit totalement en 1698, meurt en rêvant de rebâtir à Meilhaud un château qui soit le « monument de sa grandeur » (Chabrol) ; mais ses deux filles remisent les plans et se partagent les biens : la maréchale de Maillebois hérite de la partie Allègre (Flaghac, Nonette, etc.) et la marquise de Rupelmonde de la partie Tourzel (Meilhaud, Saint-Cirgues, Montaigut-le-Blanc, etc.), laquelle sera érigée en marquisat de Tourzel en 1742. La résidence de la famille devient le château voisin de Saint-Cirgues, acheté  depuis  peu. Le château du XVe s. est alors détruit. Seuls subsistent les parements extérieurs, et l’espace intérieur est, dès avant la Révolution, encombré d’une trentaine de petites maisons de vignerons.

Dans les années récentes, ces maisons, la plupart abandonnées après la crise du phylloxéra, ont été rachetées et détruites par la commune. L’espace castral se présente aujourd’hui comme une vaste esplanade, ceinte à l’ouest par les hauts murs extérieurs du château, et en terrasse sur le midi. Le côté nord comporte, d’ouest en est, les murs du logis, la porte d’entrée du château, grand arc gothique, et l’église Saint-Rémi. Le clocher, proportionnellement très élevé, flanque la porte et a pu servir de tour de défense. On accède depuis la cour à son étage supérieur, par un étroit escalier en raidillon, bâti de marches en basalte.

L’église est constituée d’une nef, d’un large bas-côté au nord, d’une chapelle et d’une sacristie au sud. Le tout  mesure  22,10  m. sur  16,20  m.  La  nef, de style roman, se compose de trois travées (environ 5 m. sur 5 m.), voûtées d’arêtes, reposant sur des  piliers  carrés  massifs,  aux  arêtes chanfreinées, et des arcs  doubleaux  en  plein  cintre.  La tour  prolonge  la  nef à l’ouest. A l’est, le chevet en cul-de-four, de dimensions modestes, présente à l’intérieur un aspect complexe, la voûte retombant en pointes entre les ouvertures. Il est couvert de lauzes. L’encadrement extérieur des baies est  en pierre blonde.  L’archivolte  romane, en  place dans les deux  baies latérales, a été remplacée dans celle du centre par un arc trilobé en pierre grise de Volvic, sans doute au moment de la donation du vitrail (1874).

Un vaste bas-côté double au nord l’espace de la nef. A chaque travée de la nef correspond dans le  bas-côté  une  sorte  d’esquisse  de  voûte  d’arêtes. Ce bas-côté peut être une addition du XVIe s. Le mur nord est percé de deux baies, en pierre grise de Volvic, étroites et hautes, en arc à peine brisé. Une troisième, dans le mur est, de même style et dimensions, a été bouchée pour permettre l’aménagement d’un retable monumental (cf. infra :  Ecce Homo). Il existe aussi, dans le mur nord, une poterne basse, au linteau en accolade, aujourd’hui visible à l’extérieur seulement.

L’accès primitif de l’église castrale était au sud, sur la cour  du  château, au niveau de la dernière travée. L’ouverture a été bouchée, mais l’arcade subsiste. L’accès actuel, au nord, date du XIXe s. : sommaire à l’intérieur, il est habillé à l’extérieur dans le style gothique.

La sacristie ouvre sur le chœur. C’est un petit  bâtiment  à deux  pentes, l’une couverte en tuiles canal, l’autre en lauzes, éclairé par  deux  petites baies cintrées et chanfreinées. A l’extérieur, l’angle oriental est à pan coupé jusqu’aux deux tiers de sa hauteur  ; un corbeau  triangulaire  fait la liaison ; il est orné d’une croix sculptée en relief, dont les trois branches sont fleuronnées.

La travée centrale de la nef ouvre sur une chapelle dont le décor est remarquable : voûte d’arêtes, dont les fines nervures sont complétées par deux arêtes orthogonales, un écu lisse à la clé. Les culots des arêtes diagonales sont décorés, l’une par deux fleurons, l’autre par deux petits visages (9 cm), l’un masculin, l’autre féminin. Cette chapelle de la fin du XVe s.,  postérieure à la nef, est éclairée par une baie étroite qui occupe toute l’élévation du mur goutterot.

Certains éléments du mobilier méritent d’être mentionnés.

Un bénitier daté de 1512, en marbre blanc, dont la vasque à cannelures est posée sur une colonne fine, galbée, elle-même posée sur un piètement triangulaire en porphyre. Une inscription court sur le bandeau supérieur, sous le rebord : « MDXII JEHEAN DE LA BARD ».

Trois  tableaux :  un  Ecce Homo, de  grandes  proportions,  encadré d’un trompe-l’œil de pilastres cannelés, chapiteaux corinthiens et cintre cannelé  ; une Descente de Croix du XVIIIe, d’un style rustique expressif, en très mauvais état ; une Assomption du XVIIIe , de coloris vif et de belle facture (75x50cm). Deux statues de saint Remi : l’une ancienne (XVIIe ?) en bois doré, petit module, draperies fines et soignées, belle attitude, belle expression ; l’autre, plus grande, en bois polychrome (classée). Quatre statues en bois doré fin XVIIIe -début XIXe (Vierge à !’ Enfant , sainte Anne, saint Barthélemy, sainte Philomène).

Du  XIXe  s.,   le  maître-autel  en marbre,  resté en place, et  un degré en  bois  à motifs  de marquetterie  ;  une  grande  croix  de  procession  en   bois, datée « mission et jubilé 1865 » ; une croix aux instruments de la Passion.

Trois vitraux datés de 1874 et signés de A. Champoberc  (Clermont­ Ferrand) : un saint Remi (avec les armoiries du couple donateur) ; un Christ et une Vierge. Les travaux effectués ont transformé l’aspect extérieur de l’église, jusqu’ici défiguré par des crépis de styles divers. Toutes les couvertures et évacuations d’eaux ont été révisées ou refaites. L’ensemble a beaucoup de caractère et mérite une restauration discrète ; il prend désormais toute sa place dans ce « quartier des Remparts » que la commune, attentive à son patrimoine, rénove intelligemment depuis plus de dix ans. La Sauvegarde de l’Art Français a contribué pour 100 000 F en 1996 aux travaux de couverture et de drainage.

Ph. M.

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