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L’église du Mesnil (Mesnillum supra Blangeium) est romane, mais a été entièrement défigurée »  [1] par diverses modifications dans le temps.

Le portail occidental, flanqué de deux contreforts du XVe s., est précédé d’une tour-clocher (de la fin du XVIIIe s., et parfois qualifiée de beffroi), couronnée d’un « petit toit », couvert en ardoises, « qui affecte la forme d’un campanile »  [2]. Il s’agit d’un campanile à huit pans, ou dôme, établi sur un beffroi dont le côté est de 6 mètres.

La façade de la tour est percée par une porte en plein cintre entre deux pilastres cannelés, à chapiteau ionique, qui supportent un fronton triangulaire décoré de denticules. Cette porte à deux vantaux ne s’ouvre que pour les cérémonies importantes ; dans le côté sud du beffroi est percée une porte « latérale » qui sert dans les circonstances ordinaires. Dans le porche que forme la tour, on trouve un bénitier du XVIe siècle.

Sur trois côtés, le beffroi présente deux sortes de baies, garnies d’abat-sons, l’une haute et cintrée, au niveau supérieur, et, au niveau inférieur, une autre plus basse, mais plus large, en anse de panier. Sur le côté est, on ne voit que la baie supérieure, peut-être à cause du rehaussement de la toiture de la nef. Le jeu des proportions des baies accentue la verticalité du beffroi.

 l’autre extrémité, une statue de Notre-Dame du Mesnil domine le pignon du chœur.

Selon la Statistique monumentale du Calvados d’Arcisse de Caumont [3], la nef était éclairée au nord par deux fenêtres ogivales « de la dernière époque »  et par une « fenêtre cintrée, trilobée, du XVIe siècle, inscrite dans une porte romane qu’on a bouchée et dont on voit encore l’archivolte ornée de zigzags [bâtons rompus entrecroisés] ». Ce vestige est toujours visible [4], même si la fenêtre, qui aurait servi de modèle pour la réfection des autres, n’est formée que d’une double lancette. Quant au mur sud, il était percé d’une fenêtre ogivale et de deux fenêtres « modernes sans caractère »  [5]. La charpente n’a en rien retenu l’attention de Caumont.

 l’intérieur, le retable (XVIIe s.) encadre une toile figurant une Nativité, copie d’une œuvre conservée à la cathédrale de Rouen et attribuée à Philippe de Champaigne. Le tombeau est de style Louis XV.

Selon Piel, Alexandre Duquesne, curé du Mesnil depuis « environ trente-six ans », décédé en mars 1778, fut le premier curé de la paroisse enterré en dehors de l’église [6].

Les archives révèlent que l’église tombait en ruines à la fin du Second Empire. L’abbé Piel [7], très actif, voyait les choses en grand :

  1. reconstruire ou construire des contreforts ;
  2. reconstruire dans le chœur 4 fenêtres pour remplacer celles percées aux XVIIe et XVIIIe s., construire ou refaire dans la nef 12 fenêtres ; il qualifiait ces vieilles ouvertures de« larges [et] aussi laides que possible, et toutes de formes et de grandeurs différentes» . Le modèle à suivre était une « fenêtre [géminée] ancienne existant dans la nef »  ;
  3. reconstruire une arcade entre le chœur et la nef,« ce qui aura l’avantage de soutenir la pesante charpente du toit»  [8] ;
  4. refaire la voûte en merrain avec couvre-joints et arceaux, faire des moulures sur les entraits et aiguilles qui soutiennent la charpente :« ces deux derniers travaux seront exécutés en style du XVIe siècle, afin de conserver le souvenir de l’incendie de l’église pendant les guerres contre les Anglais [sic] ».

L’abbé Piel voulait, en fait, restaurer toute son église et « la remettre telle qu’elle eût été au Moyen Âge, si elle avait été finie  (!) » ; et il déplorait que « dans presque toutes nos églises de campagne […] dans le Pays d’Auge, on n’a pas cru pouvoir faire de restauration sans couper les entraits et sans masquer avec du plâtre les voûtes en merrain et les sablières souvent sculptées. Je ne sais ce qu’y a gagné la beauté de ces églises, mais je sais ce qu’y a perdu leur solidité. J’ai la plus laide église du pays ; dans aucune autre on ne trouvera autant de poutres que dans la mienne. Je veux montrer à mes confrères qu’il est possible de tirer parti de tout cela et que l’on peut encore faire quelque chose de bien même avec des poutres transversales et sans voûte en plâtre »  [9].

La Commission des bâtiments civils demanda le 8 mai 1873, « si une reconstruction complète de l’église du Mesnil-sur-Blangy ne serait pas préférable à une réparation aussi considérable que celle indiquée au devis ». L’affaire traîna ; en 1877, l’architecte Delarue, de Trouville, prit la défense de l’édifice : « cette église possède un ensemble de boiserie, voûtes et charpente du XVe siècle qui en fait un des édifices les plus curieux du pays d’Auge, les plus dignes de la sollicitude de l’autorité supérieure et de l’attention de l’archéologue » . En effet, la voûte en merrain (berceau en arc brisé), qui était alors bien détériorée, repose sur des sablières, soutenues par des poteaux placés le long des murs et écartés par des entraits ; c’est une manière de voûte flottante [10], mais il n’est pas certain que précédemment la charpente n’ait pas reposé, au moins partiellement, sur les murs latéraux ; les archives ne concordent pas exactement sur ce point.

Il y a sept entraits, deux dans le chœur et cinq dans la nef ; il y en eut un troisième dans le chœur ; on pense que la poutre de gloire qui surplombait l’entrée du chœur a disparu lors de la création de l’arc triomphal du chœur (réalisé en même temps que l’arc triomphal à l’entrée occidentale) à l’époque de l’abbé Piel ; le Christ en croix de cette poutre est actuellement au mur sud, près de la chapelle de l’abbé Dupuy.

Delarue souligna à juste titre la décoration de l’assemblage poutres-sablières-entraits : « ces poutres verticales sont reliées aux sablières par des lacets à traceries flamboyantes et aux entraits par d’autres lacets dont le sculpteur a fait les pattes de chimères » . Ces animaux fantastiques qui tiennent les entraits dans leurs gueules (comme on voit aussi dans le Finistère Nord) sont dits « rageurs ». Pour ces rageurs, le sculpteur a fait alterner des bêtes à poils et des monstres à écailles. L’ensemble est très curieux.

Delarue indique qu’un peu au-dessous des pattes des rageurs se trouvaient neuf écussons figurant les armoiries des seigneurs du Mesnil depuis le XVe siècle.

L’abbé Piel aimait bien les armoiries ; le 14 septembre 1872, il écrivit au préfet : « Je vais faire décorer dans le style du Moyen Âge la voûte en merrain du chœur de mon église. J’ai l’intention de faire entrer, dans le système de décors, les écussons de tous les personnages ou corporations se rapportant plus ou moins à mon église, tels que seigneurs, patrons nommant à la cure […], le pape, l’évêque, vivant à l’époque où l’édifice fut construit. Aurais-je besoin, Monsieur, d’une autorisation spéciale pour mettre les armes des rois de France ? Dans le cas où cette autorisation serait nécessaire, je vous prie de bien vouloir me l’accorder. Sous l’Empire on a bien rétabli partout les fleurs de lys, et je vous assure qu’il n’y a rien de politique dans la circonstance présente ». L’autorisation lui fut accordée – sans preuve d’archives -, puisque ces écussons décorent le chœur.

Par la même lettre, l’abbé Piel renouvelait sa confession et son embarras : « Je profite de la présente lettre pour vous rappeler, Monsieur le Préfet, que vous aviez bien voulu me promettre votre bienveillant concours pour me faire obtenir les secours nécessaires pour compléter la somme dépensée un peu irrégulièrement aux réparations de mon église », et l’abbé de s’alarmer de la fin de non-recevoir du Conseil général qui a proposé la démolition de l’église, parce qu’il « ignore que les travaux prévus par le devis sont déjà exécutés ». Peu après, le 29 novembre 1877, l’abbé précisait  : « Je vais, Monsieur le Préfet, vous faire officiellement l’aveu de notre situation […] : c’est que les travaux pour lesquels nous demandons une subvention sont exécutés en grande partie depuis six ans ; 2° ils l’ont été sans l’approbation régulière et officielle de l’Administration ; 3° c’est que les plans présentés ne sont que des plans fictifs, attendu que les plans véritables des travaux exécutés ont été refusés en 1872, sous le ministère de M. Jules Simon » ; il finit par plaider son inexpérience et son ignorance des habitudes administratives et par indiquer que le préfet de 1872 avait été informé. L’intervention du député et du préfet arrangea l’affaire.

Quels furent les travaux lancés par l’abbé Piel dans les années 1870 ?

On fit des terrassements pour assainir les murs gâtés au pied par les eaux pluviales, des travaux de maçonnerie aux murs et au pignon du chœur, puis des remplacements de briques rouges et blanches pour les chaînages, bandeaux, tableaux, corniches ; la toiture fut reprise, des vitraux losangés de verre blanc furent installés. Le tout se montait à la somme de 26 651 F.

Quant aux fenêtres, leur nombre augmenta (deux dans le chœur et dix dans la nef) sans atteindre le nombre prévu par l’abbé Piel. On notera l’usage d’un passage dans l’embrasure entre les fenêtres et leurs colonnettes intérieures.

Par ces travaux de fenêtres dans les murs latéraux, de réfection des arcs triomphaux dans la nef et aussi de peinture décorative, l’abbé Piel a largement remanié la physionomie de l’édifice ; l’absence de représentation antérieure ne permet pas de mesurer précisément l’ampleur de ces « améliorations ».

 

En 1901, des travaux furent menés, selon les plans de Nicolas, architecte du département, pour restaurer le fronton du porche de l’église ; de plus, un escalier en pierre fut ajouté, ce qui donna prétexte à une vive querelle entre un électeur-contribuable et le curé Porte. Le montant de l’opération s’éleva à 10 058 F.

En 1914, l’abbé Maurice Dupuy fit construire [11] « à ses frais (11 467 F) » une chapelle dans la partie sud de l’église ; pour ce faire, on déboucha le panneau sous l’arc triomphal méridional.

Curé de la paroisse de 1902 à 1915, l’abbé Dupuy servit sous les drapeaux en qualité d’infirmier militaire et mourut en décembre 1915, à Forges-les-Eaux (Seine-Maritime) ; quelques années plus tard, sa dépouille fut ensevelie dans sa chapelle (1919) [12]. Les vitraux furent ensuite offerts par les familles des soldats victimes de la Grande Guerre, dont la plaque commémorative est fixée sur le mur est de la chapelle. Ces vitraux furent réalisés par Mazuet, de Bayeux[13].

Pour une longueur de 38 m, l’édifice a désormais une largeur (chapelles comprises) de 17 mètres.

Les architectes parlent parfois de « croisillons » pour désigner les chapelles qui forment comme les bras du transept. On a vu que la chapelle de l’abbé Dupuy ne remonte qu’aux années de l’après Grande Guerre ; la chapelle de la Vierge, complètement remaniée intérieurement par l’abbé Piel (qui y installa des lancettes), est plus ancienne ; cette chapelle soutenue extérieurement par des contreforts semble plus ancienne que la sacristie qu’on présente paradoxalement comme plus vénérable. La sacristie n’a, en effet, pas de contreforts, signe d’une datation différente du reste de l’édifice ; elle paraît recouvrir partiellement le mur nord-est de la chapelle de la Vierge ; enfin une porte inutile (au linteau brisé) sépare la chapelle de la Vierge de la sacristie.

En août 1944, un bombardement souffla plusieurs vitraux et provoqua une fissure dans la maçonnerie du beffroi. Ce choc ne paraît pas avoir compromis la stabilité de l’édifice.

Après guerre, les vitraux détruits furent renouvelés par l’atelier Mauméjean, dans un style assez figuratif et coloré.

 l’intérieur, des travaux de rénovation ont été menés en 1989 ; entre autres, les peintures de la voûte ont été refaites.

Les couvertures ont été refaites en 2004 : la nef et le chœur en tuiles « patrimoine », les chapelles et la sacristie en ardoises d’Angers. La Sauvegarde de l’Art français a participé à ces travaux en accordant 8 000 € à la commune.

En 2005, le dôme à huit pans du clocher reste en très mauvais état ; non seulement il présente des fuites, mais il a été « bricolé » à l’occasion de remaniements dans la structure de la charpente : le poinçon a été enlevé, remplacé par des arbalétriers en sapin, les entraits des enrayures supérieures ont été coupés, l’entrait de base (qui repose sur une corniche détériorée) est pourri en son milieu.

Pour pallier l’érosion de certaines pierres, qui peut d’ailleurs présenter des risques de chutes sur le public, il faudrait, cette fois, placer des protections en plomb sur les cordons de pierre légèrement saillants comme sur les rampants du fronton du beffroi. Cela n’avait pas été fait lors de la restauration de 1901.

Une association « Mesnil-Patrimoine » s’est récemment constituée pour restaurer le patrimoine de la commune et principalement l’église. La tradition des charitons (Confrérie de saint Clair) est toujours active : on voit leurs flambeaux rangés de part et d’autre du chœur. C’est dire que l’église n’est pas désaffectée. Mais, pour une population de 187 habitants, l’entretien et, bien plus, la rénovation d’un tel édifice est une vraie gageure ; cet effort sérieux mérite de solides encouragements.

 

Louis Le Roc’h Morgère

[1] A. de Caumont, Statistique monumentale du Calvados, t. 4, Caen-Paris, 1862, p. 389.

[2] Ibid.

[3] D’après les notes de Charles Vasseur et A. Pannier.

[4] Sous les morceaux du linteau interrompu, on peut voir les chapiteaux ornés de volutes.

[5] A. de Caumont, Statistique…, p. 389.

[6] Abbé Piel, Inventaire historique des actes historiques transcrits aux insinuations ecclésiastiques de l’ancien diocèse de Lisieux…, 1692-1790…, t. 5, 1895, p. 305.

[7] L’abbé Léopold Piel fut le curé du Mesnil-sur-Blangy de 1865 à 1880.

[8] Un devis de 1869 (Arch. dép. Calvados, Z 2166) précisait : « le comble différent de hauteur sur le chœur et sur la nef a besoin d’être soutenu à l’endroit de jonction, et il est utile qu’un arc triomphal soit élevé, tant pour soutenir les combles que pour séparer le chœur de la nef ».

[9] 15 juillet 1872 (Arch. dép. Calvados, O 1441 b).

[10] En 1872, l’abbé Piel prétendait que « la charpente ne repose pas sur les murs, mais bien sur des poteaux élevés le long des murs, en sorte que l’on pourrait démolir toutes les murailles sans faire tomber la toiture », alors que dans le même mémoire il demandait la construction de neuf contreforts supplémentaires (Arch. dép. Calvados, O 1441 b).

[11] Par Collignon, architecte à Lisieux.

[12] Arch. dép. Calvados, O 2463.

[13] Henri Mazuet, rue Saint-Loup, à Bayeux. On retrouve des vitraux de Mazuet dans l’église de Martigny-sur-l’Ante (canton de Falaise). Dans le registre inférieur, le verrier a placé l’image du disparu ou d’un proche.

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