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 Église Saint-Roch. Quoiqu’en Pays d’Auge, Montreuil a fait partie avec huit autres paroisses de l’exemption du diocèse de Bayeux au sein du diocèse de Lisieux.

Située à un carrefour tout au nord de Montreuil-en-Auge, à la limite de la commune de Léaupartie qui la domine, elle est isolée dans un habitat dispersé ; la maison qui lui fait face est l’ancien presbytère, aujourd’hui mairie. L’église a conservé son cimetière au sud et à l’ouest.

Toute excentrée qu’elle fût, l’église de Montreuil recevait les paroissiens de Léaupartie et de Grandouet ; on y trouve les plaques mémoriales des habitants de ces trois communes tombés durant la Grande Guerre. Le calvaire situé à Montreuil, payé par la paroisse, est commun à ces trois petites communes [1].

 D’abord placée sous le patronage de Marie-Madeleine puis de Notre-Dame, l’église passa sous celui de saint Roch, saint thaumaturge invoqué contre la peste au XIVes., peut-être à l’occasion des épidémies des XVIeet XVIIesiècles. En 1683, le registre paroissial indique un « autel de S. Roch contre la muraille du midy », où il se trouve encore. Montreuil-en-Auge devint un lieu de pèlerinage pour obtenir la préservation ou la guérison de maladies contagieuses (notamment la coqueluche au début du XXes.), y compris les maladies des bestiaux [2].

L’édifice se compose de deux parties rectangulaires : la nef, longue de 11,25 m et le chœur, anormalement long de 9 m. Quatre contreforts d’angles épaulent la nef. Deux autres renforcent le chœur, l’un à l’angle sud-est et l’autre au milieu du mur méridional. La sacristie pentagonale, du XIXes. [3], s’appuie contre le chevet plat du chœur, qui a été consolidé avec une poutre métallique. Devant la façade « peu ancienne » [4]de la nef se trouve un porche en bois.

Le clocher carré [5]s’élève au-dessus de la nef ; sa flèche octogonale est couverte en ardoises. Le reste de la toiture (chœur et nef) est couvert en tuiles. Des maçonneries en arêtes de poisson, ainsi que d’autres, de moellons calcaires en lits horizontaux, sont visibles dans les murs de la nef et dans celui nord du chœur. On peut supposer que le chœur primitif était deux fois plus court.

L’appareil et une fenêtre « en forme de meurtrière » [6]ont donné à penser que l’édifice pourrait remonter au XIes., avec des modifications dans les baies au XIIIes. et surtout à l’époque moderne, quand toutes les fenêtres furent élargies en plein cintre [7]. Une entrée méridionale dans la nef était déjà bouchée à l’époque de Caumont ; on voit les piédroits, sans linteau, sous un vestige ancien de fenêtre. À cet endroit, l’emploi de grosses pierres, rompant avec celui de cailloux informes, indique un remaniement important.
Au sud, il y a trois fenêtres pour la nef et quatre pour le chœur ; au nord, deux pour la nef et deux seulement pour le chœur.

Dans le mur septentrional, quelques grandes pierres équarries témoignent d’un autre remaniement.

Au XIXes., selon la description de Caumont, le chœur et la nef étaient voûtés en bardeaux et les entraits coupés (il en reste des vestiges qui dépassent très visiblement de la nef à l’extérieur). Ces voûtes ont été refaites en plâtre[8].

Arcisse de Caumont indique que « la charpente qui supporte la tour, établie au centre du toit sur la nef, près du chœur, forme une espèce de barrage horizontal qui masque désagréablement le chœur. Cette disposition se retrouve dans un très grand nombre d’églises de la contrée. On a dissimulé ce diaphragme en le tapissant de tableaux…mais l’effet n’en est pas moins très mauvais » [9]. Ce « barrage », d’où pendent les cordes des deux cloches, existe encore, toujours aussi disgracieux ; son étude permettrait de comprendre mieux la structure du bâtiment.

Les remaniements de l’édifice ne permettent pas de proposer des datations sûres ; d’ailleurs, en son temps, Caumont ne s’y est pas risqué.

La couverture de l’église a donné quelques soucis. En 1776 il fallut réparer le clocher « tant au-dehors qu’au-dedans » ; les délibérations municipales mentionnent d’autres travaux en 1877, en 1894 et en 1921. Une campagne de restauration a été menée en 1950-1951, sous la direction d’Ernest Ferey, « propriétaire »[10], conseillé par le célèbre chanoine Abel Simon [11], curé de la paroisse. La création des vitraux en 1909, réalisée par l’atelier Mazuet de Bayeux [12]fut financée par des paroissiens : ils représentent, entre autres, saint Roch. Cette hypothèse est confirmée par une délibération ultérieure.

L’église conserve, comme Saint-Ouen-le-Pin par exemple, des reliques et du mobilier provenant de l’abbaye du Val-Richer détruite lors de la Révolution.

Elle possède aussi une imposante statue en bois de saint Roch[13], une statue et un tableau de saint Sébastien[14], un confessionnal daté de 1707, et divers tableaux. L’église abrite un curieux mélange de meubles anciens ou du XIXesulpicien, dont l’ensemble, devenu rare après Vatican II, est intéressant. Quelques grands tableaux du XVIIIes., mériteraient une restauration.

Cet édifice, non protégé, a fait en 2007 l’objet d’une nouvelle campagne de restauration qui a concerné la couverture du chœur et de la nef en tuiles de style bourguignon, celle de la sacristie et du clocher en ardoises d’Angers[15], à laquelle la Sauvegarde de l’Art français a apporté une contribution de 5.000 € en 2007.

 

Louis Le Roc’h Morgère

 

Sources : Direction des Archives du Calvados, O 2469 ;

Bibliographie :

A . de Caumont, Statistique monumentale du Calvados, Caen, 1862, t. 4, p. 174-175.

  1. Demars-Treuil, « Montreuil-en-Auge », Le Pays d’Auge, décembre 1983, p. 16-19, illustration par le docteur Jean Bureau.

 

 

[1]Une délibération du 25 février 1943 s’opposa au rattachement de Montreuil-en-Auge à Cambremer (en application de la loi du 28 février 1942) : « attendu que les communes de Montreuil-en-Auge, Léaupartie et Grandouet forment, depuis le concordat de 1804, une seule paroisse dont la cure se situe à Montreuil-en-Auge à peu près au centre de leur territoire, que les églises de Grandouet et Léaupartie n’étant plus que des chapelles de secours, l’église paroissiale se trouve être celle de Montreuil-en-Auge où ses desservants y ontrésidé,de façon constante, depuis 140 ans, qu’il résulte de ce fait que la population de ces trois communes, profondément attachée à sa religion et à son culte, présente une unité morale indiscutable qu’il serait regrettable de ne pas prendre en considération pour établir une nouvelle division territoriale » ; il fut donc proposé de réunir ces trois communes en une seule, avec centre à Montreuil. Cela n’empêchera pas Cambremer de s’associer, plus tard, à Grandouet.

[2]Pèlerinage annuel à Montreuil le 16 août. On chantait alors à la messe Peste pejus vitium, pestis et contagium procul abhinc facias, « du vice pire que la peste, de la peste et de la contagion tenez nous éloignez » ; cf « Le culte de saint Roch à Montreuil », La Bonne Semence, 1919, n°185, p. 660-663 (Archives du Calvados, 14 T XXXI/45). La chapelle Saint-Meuf, aux Authieux-sur-Calonne, aurait aussi possédé une statue de saint Roch (La Sauvegarde de l’art français, 2006, cahier 19, p. 25).

[3]Caumont la décrit comme « à pans coupés ».

[4]Arcisse de Caumont, Statistique monumentale du Calvados, t. 4, Arrondissement de Pont-l’Evêque, 1862, p. 174-175.

[5]En 1793 les deux cloches, acquises en 1758, furent réquisitionnées pour être fondues en artillerie (Archives du Calvados, 430 Edt 1).

[6]Selon les termes de Caumont, qui cite des fenêtres du même genre dans l’église de Grandouet (Caumont, op. cit., p. 175).

[7]Ces fenêtres furent garnies de vitraux dès le XVIIesiècle au moins : un acte de 1694 parle de la « vitre de S. Roch » (La Bonne Semence, n° 183, août 1919) ; en 1937, on trouva un débris de vitrail signé « Lamote companon vitrir lannée 1776 » (La Bonne Semence, n° 395, p. 45).

[8]Il semble utile de renvoyer à un autre cas : « Dans presque toutes nos églises de campagne […] dans le Pays d’Auge, on n’a pas cru pouvoir faire de restauration sans couper les entraits et sans masquer avec du plâtre les voûtes en merrain » regrettait, en 1872, l’abbé Piel, curé du Mesnil-sur-Blangy (cf. La Sauvegarde de l’Art français, cahier 19, 2006, p. 91). A Saint-Ouen-le-Pin, la voûte en lambris de la nef fut recouverte d’une couche de chaux et les entraits remplacés par des barres de fer (Caumont, op. cit., p. 159).

[9]On accède au clocher, par échelle, grâce à une trappe ménagée dans cette plateforme. Le même système de trappe a été observé au Mesnil-sur-Blangy.

[10]Le Conseil rappelant qu’Ernest Ferey avait assumé « la réfection totale à ses frais de l’église, extérieurs et peinture […] en lieu et place du budget communal » décida d’entretenir son tombeau à perpétuité (délibération du 22 août 1963).

[11]Curé de Montreuil-en-Auge de 1910 à 1953, il fut membre correspondant de l’Institut, président de la Société historique de Lisieux, membre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen. Décédé à Bayeux en 1958.

[12]Actif dans le Pays d’Auge (on l’a déjà vu au Mesnil-sur-Blangy) ou dans le secteur de Falaise (cf. La Sauvegarde de l’art français, op.cit., p. 85 et 93, note 13).

[13]Elle aurait été achetée par la Confrérie de charité en 1843 (La Bonne Semence, n° 302, juin 1929, p. 86).

[14]Il protège des « flèches » de la peste. Á rapprocher de la dévotion à saint Roch.

[15]La campagne est également intervenue pour les vitraux.

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