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Mourioux se situe à la frontière de la Marche et du Haut-Limousin, au sud-ouest de Guéret. Le site fut très anciennement occupé, comme en témoignent deux dolmens et de nombreuses traces d’exploitation minière. Claude Andrault-Schmitt précise qu’une paroisse importante y était signalée, dès 1080, dans le cartulaire de Bénévent, dont l’abbé nommait à la cure.

L’église Saint-Remi possède toutes les caractéristiques du gothique rural limousin du XIIIe siècle ; elle fut dotée, sans doute au début du siècle suivant, d’un clocher-porche formant beffroi qui constitue la principale originalité de l’édifice. Les campagnes ultérieures de travaux ne sont pas précisément connues, mais il est indéniable qu’une reconstruction, ou une restauration, eut lieu au XVe s., comme en témoigne le style des ogives et des formerets des voûtes quadripartites ; c’est peut-être à la même époque que le niveau du sol intérieur fut rehaussé, dissimulant les bases de toutes les colonnes. Entre 1960 et 1965, une campagne de décrépissage des murs intérieurs et de rejointoiement général fit disparaître plusieurs couches de peintures murales, certaines remontant au XVIIe s., comme en témoigne le conservateur Georges de Bussac.

Le plan de l’église, qui était sans doute précédée, à l’origine, d’un simple clocheton léger, est très simple : nef rectangulaire de trois travées carrées de mêmes dimensions, celle de l’est formant chœur à chevet plat. Seule cette dernière est construite dans un appareil régulier de granit, le reste de la structure étant en gros moellonage hétérogène, les contreforts et les encadrements des baies exceptés. La nef est surmontée d’un toit à deux faibles pentes, couvertes en tuile mécanique, qui dissimule un comble légèrement surélevé possédant, à l’est, une baie rectangulaire, encadrée de quatre trous d’angles, destinée à recevoir l’assemblage en bois d’une logette de guetteur, fait qui témoigne d’une « fortification » sommaire, ou, au moins, d’un lieu de refuge pour les villageois en cas de troubles. Le chevet comporte également une baie axiale cintrée ; une sacristie lui a été accolée, en appareil de moellons et chaînage d’angles en granit, couverte en appentis. L’élévation de l’église est rythmée par de nombreux contreforts à glacis très pentus, quatre de chaque côté de la nef, deux au chevet et deux plus massifs à la façade occidentale. Le mur nord est aveugle alors qu’au sud, trois hautes et étroites baies cintrées permettent d’éclairer faiblement l’intérieur. Excepté la corniche sommitale des murs latéraux, soutenue par de simples petits modillons, ornés de têtes humaines ou de motifs floraux, aucun décor n’orne l’édifice ; seul le portail occidental présente un vocabulaire sculpté développé, caractéristique du gothique vernaculaire limousin. Il est constitué de trois voussures moulurées en arcs brisés retombant sur des colonnettes et des ressauts par l’intermédiaire d’une frise de chapiteaux à crochets. Une archivolte repose sur de petits masques à figures humaines. Le porche est aujourd’hui dissimulé sous l’ombre de l’imposant clocher, de peu postérieur ; surélevé de plusieurs degrés, ce dernier est composé d’un massif bas étayé par deux contreforts d’angles et percé, sur ses trois faces, d’ouvertures en arc brisé. Il est séparé de la partie haute par un bandeau décoratif en forte saillie. Le premier niveau comporte trois petites baies en cintre légèrement brisé, qui s’inscrivent sous un arc retombant sur de fines colonnettes par l’intermédiaire d’un chapiteau sommaire (seuls ceux du nord subsistent)[1]. On accède au « beffroi » du clocher et au comble par une petite tourelle rectangulaire située au sud, en forme de gros contrefort, et éclairée par de petites fenêtres meurtrières.

Passant sous ce clocher, par le portail limousin, dont le vantail occidental est muni d’une serrure ancienne à verrou et vertevelle, on pénètre dans un volume couvert de voûtes quadripartites dont les ogives et formerets retombent sur des colonnes engagées à chapiteaux floraux et larges tailloirs. Les clefs de voûte sont circulaires, seule celle du chœur s’ornant d’une main bénissant. Le plafond de la première travée est percé d’un oculus pour tirer les cloches. Le sol où ont été insérées plusieurs pierres tombales des XIIIe et XVIIe s., est plus élevé dans le chœur ; l’une des tombes est sculptée d’une croix pastorale. L’église est éclairée par trois hautes baies cintrées au sud, celle d’axe est ornée d’un vitrail du XIXe siècle. Un Christ en croix constitue peut-être le seul témoin du mobilier du XIIIe s. (I.S.M.H. 22 octobre 1979), mais l’église, comme souvent en Limousin, fut dotée de nombreux objets à l’époque classique : un maître-autel et son tabernacle, surmontés d’un dais du XVIIe s., ont aujourd’hui disparu ; sans doute leur disparition est-elle contemporaine du « décroutage » des parements intérieurs, effectué au début des années soixante[2]. Seul subsiste un bas-relief figurant le Christ au jardin des oliviers, une peinture murale de la même époque, représentant la Présentation au temple, placée au-dessus de l’autel latéral sud (I.S.M.H. 22 octobre 1979), des statues de saint Remi (début du XVe s.), saint Roch (XVIIe s.), saint Jean-Baptiste (XVIIIe– XIXe s.), et, surtout, une très belle Pietà baroque (M.H. 3 mai 1904)[3].

La Sauvegarde de l’Art français a accordé 3 000 € en 2005 pour la réfection des maçonneries, charpente et couverture du clocher-porche.

Thierry Zimmer

 

Bibliographie :

Direction de l’architecture et du patrimoine, Médiathèque du patrimoine : Georges de Bussac, Dossier de recensement, 21 décembre 1959.

  1. Lecler, Dictionnaire topographique, archéologique et historique de la Creuse, Limoges, 1902, p. 462-463 (réimpr. Marseille, 1976).
  2. Lacrocq, Les églises de France. Creuse, Paris, 1934, p. 103-104.

Cl. Andrault-Schmitt, Limousin gothique. Les édifices religieux, Paris, 1997 (Les monuments de la France gothique), p. 287-288.

  1. Combrouze-Lafaye, Les églises fortifiées en Limousin, Limoges, 1999, p. 52.

Th. Zimmer (dir.), 1945-1995, cinquante ans de travaux sur les objets mobiliers classés en Limousin, Limoges, 2000 (Champs du patrimoine), p. 147-148.

[1] Le clocher est coiffé d’une toiture à quatre pentes sommée d’un petit lanterneau.

[2] Ils étaient encore présents lors du passage de G. de Bussac en 1959.

[3] Cette Pietà fut restaurée en 1975 par Marcel Maimponte.

Le projet en images