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Église de l’Annonciation. Muro (Muru, selon l’orthographe corse moderne) est un village de Balagne, au nord-ouest de l’île, non loin d’Île-Rousse. Cette région riche et variée, ouverte sur la mer, est très dense en églises baroques importantes. On n’y compte pas moins de huit pieve, ensemble de paroisses dépendant de la juridiction d’une église majeure (piévane), relevant de trois évêchés différents : la Corse post-tridentine comportait en effet cinq diocèses, dont les territoires étaient enclavés les uns dans les autres. Le village de Muru appartient à la piève de Sant’Andrea, du diocèse de Mariana. Son église paroissiale est dédiée à l’Annonciation – la Santissima Nunziata -,  c’est une église « à la moderne », de belles dimensions, construite dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

Située au cœur du village, sur la place, elle a remplacé à partir de 1740 un édifice plus ancien, du milieu du XVIIe siècle. Ce dernier, dans un mouvement caractéristique de la Réforme catholique, avait été édifié pour recentrer le lieu de culte au milieu de l’agglomération, délaissant une église médiévale, dédiée à saint Jean l’Évangéliste, située à l’écart. Trop petite, l’église du XVIIe est à son tour démolie pour faire place à un nouvel édifice qui s’élève au rythme des moyens de la communauté : le gros œuvre est achevé vers 1760, mais, en 1778, le mercredi des Cendres, une partie des voûtes s’effondre, tuant cinquante-neuf femmes et un homme ; la reconstruction, opérée avec une aide exceptionnelle du roi et des États de Corse, durera jusqu’en 1784.

L’édifice est vaste et haut, à nef unique couverte d’un berceau à lunettes, cantonnée de chapelles au nord et au sud. Les chapelles touchant au chœur forment un faux transept : la travée de la nef correspondante est presque deux fois plus longue que les autres ; elle est couverte par une voûte à arêtes doubles, à la clé de laquelle s’ouvre un petit lanternon ajouré (peut-être y avait-il, à cet endroit, avant l’accident de 1778, une coupole). L’abside est à cinq pans, et son extrémité appartient sans doute à l’édifice précédent du XVIIe siècle. Elle est couverte d’une demi-coupole où cinq lunettes dégagent autant de fenêtres. Le plan peut rappeler celui du Gesù de Rome, comme l’a remarqué Nicolas Mattei, mais le plus séduisant dans cet édifice est sans nul doute son opulent décor. Un grand ordre de pilastres scande tout l’édifice, portant un entablement monumental richement orné. Tout cet ensemble date de la fin du XVIIIe s., et a reçu polychromie et dorure au XIXe siècle. Il en va de même, sans doute, pour la plupart des autres décors, autels et peintures murales. La voûte en particulier a été décorée par Poleri en 1808. Il ne peut être question d’esquisser dans cette courte notice la monographie attentive qu’exigerait un ensemble artistique aussi dense et aussi somptueux. Chaque chapelle est munie de son autel,  retable et  tableau, avec certaines œuvres de tout premier plan. Au revers de la façade, tribune en bois et orgue des dernières années du XVIIIe s., récemment restaurés.

La façade est une belle construction, « baroque » elle aussi, divisée en cinq travées et trois registres par des pilastres et des entablements, sommée d’un fronton, et ornée de cinq niches abritant des statues. Au sommet de la façade, un bas-relief représentant la colombe du Saint-Esprit a été entièrement restauré lors des derniers travaux. Ceux-ci ont en effet concerné les façades extérieures, dont les enduits ont été refaits et remis en teinte d’après les traces qui ont été retrouvées. Les fenêtres ont été réparées et ont retrouvé leurs vitraux (en particulier celle de la façade). Les coursières latérales de la toiture ont également fait l’objet de travaux d’étanchéité. Pour ce programme réalisé en 2001, la Sauvegarde de l’Art français a versé 28 965 € en 2002.

O. P.

 

Bibliographie :

N. Mattei, Les églises baroques de Corse : à la découverte d’un langage oublié, Ajaccio, 1998, passim.

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