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La commune de Pommiers-Moulons possède deux églises. Celle de Pommiers, très défigurée, manque d’intérêt. Il n’en va pas ainsi pour celle de Moulons, aujourd’hui près d’un cimetière isolé en plein champ.

L’église Saint-Étienne de Moulons, dans son état présent, est un édifice rectangulaire hétérogène de trois travées, dont la restauration récente a révélé tout l’intérêt. La partie la plus ancienne, de style roman, forme le mur nord de la travée orientale. Elle s’intégrait au milieu du XIIe s. dans la travée rectiligne d’un chœur dont l’abside a disparu. Cette travée a été reprise au XIVe s., ce dont témoignent ses deux piliers occidentaux, puis une deuxième fois, au XVe s., et elle a conservé de cette époque une voûte d’ogives dont la clé, soutenue par deux anges de pierre, porte un écu à trois fleurs de lis, tandis que ses deux nervures occidentales reposent sur deux grosses colonnes romanes à chapiteau gothique. Deux fenêtres encadrées de colonnettes, dans sa paroi nord, correspondent aussi à sa partie romane, tandis qu’une petite baie cintrée sans caractère, plus tardive, éclaire le mur correspondant au sud et une autre, bordée d’un tore, la paroi orientale. Au niveau du sol, très remblayé, se voit dans le mur sud une piscine cintrée.

La travée médiane a été remise à son niveau médiéval, cinq marches plus bas que la précédente. C’était la travée sous clocher de l’église romane, dont la vis d’accès subsiste à l’angle sud-ouest. On n’y pouvait accéder qu’à l’aide d’une échelle, sa porte en arc brisé étant surélevée de 2 m environ. Elle  a gardé les départs d’une voûte d’ogives du XIVe s. reposant sur des faisceaux de trois moulures toriques, celle du centre étant plus grosse. Des bagues de feuillage au milieu duquel se détache, du côté nord comme au midi, un masque de caractère, servaient de chapiteaux qui recevaient la voûte disparue. Son mur nord est aveugle, et celui du sud est percé en son milieu d’une fenêtre cintrée allongée.

La travée occidentale a gardé les restes d’une voûte d’ogives du XVe s., dont les nervures prismatiques subsistent, à l’état de vestiges, au revers de la façade de même date. Il est possible que la nef romane se soit prolongée au-delà vers l’ouest : du côté oriental de cette travée subsistent des vestiges de moulures du XIVe s. analogues à celles qu’on vient de décrire dans la travée suivante. Le niveau du sol de cette travée occidentale n’a pas été abaissé comme celui de la suivante, à laquelle on descend par cinq marches. La charpente, visible là où les voûtes ont disparu, est romane ou de tradition romane.

L’intérêt de ce monument est accru par la présence de peintures du XVe s. dans la travée orientale : un décor en ruban plissé jaune et rouge, qui souligne un faux appareil à double trait orné en son centre de gros disques à quartiers rouges et jaunes, est largement conservé sur les parois nord et sud. Sous la fenêtre orientale, trône un Christ de Parousie assis sur l’arc-en-ciel dans un cadre losangé inscrit dans un rectangle, de la même époque et dans les mêmes teintes ; les symboles des évangélistes figurent dans les triangles intermédiaires entre le losange et le cadre extérieur. Tout près, dans un autre cadre presque carré, un saint nimbé et agenouillé, en tunique pourpre, ayant à ses pieds un diable de même couleur, se tient entre deux grandes figures debout, nimbées et dessinées au trait sur fond blanc : à gauche, saint Michel, transperçant le démon de sa lance, et, en pendant, un saint anonyme, leurs chevelures blondes et leurs nimbes seuls étant colorés.

L’extérieur correspond à ces différentes articulations chronologiques. Le mur nord de la travée orientale, qui est d’un appareillage soigné, comporte deux niveaux : dans le premier, deux arcs aveugles en plein cintre, caractéristiques du décor géométrique de l’art roman tardif en Saintonge et que sépare une colonne engagée, portent sur leur voussure unique deux rangs de languettes opposées par la pointe, laquelle repose sur une fine moulure torique. Une archivolte en pointes de diamants les encadre. Un cordon mouluré sépare cet étage des deux fenêtres qui le surmontent, également en plein cintre sous archivolte, et encadrées de colonnettes à chapiteaux nus dont le tailloir se prolonge en bandeau, lequel fait le tour, comme le cordon inférieur, de la colonne médiane engagée. Le reste de l’église est en moellon, avec des contreforts obliques aux angles, et une porte rectangulaire chanfreinée dans la travée ouest du gouttereau sud, non loin d’une petite fenêtre à la droite de laquelle on voit en remploi des fragments d’archivoltes romanes, près du corps quadrangulaire en relief de la vis. La façade ouest est percée d’une porte en arc brisé à trois voussures prismatiques sous une étroite fenêtre unique, elle-même surmontée d’un pignon assez aigu coiffé d’un petit clocher-arcade assez récent. Au-dessus du portail se voient les quatre corbeaux d’un ballet, ou auvent, maintenant disparu.

En 2003, la Sauvegarde de l’Art français a participé à la restauration de l’église (maçonnerie, charpente, couverture) en accordant une aide de 8 000 €.

 P.D.-N.

 

 Bibliographie :

Ch. Connoué, Les églises de Saintonge, t. V, Jonzac et ses environs, Saintes, 1961, p. 100.

R. Crozet, L’art roman en Saintonge, Paris, 1971, p. 93.

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