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La chapelle de Trémalo, c’est la chapelle du Christ jaune de Gauguin. C’est à celui-ci qu’elle doit sa renommée, qu’on peut dire internationale : en 1889, le peintre, frappé par le caractère fruste du Christ en croix fixé sur un mur (alors) chaulé, en face de la porte d’entrée sud, en fait le sujet d’une toile célèbre (aujourd’hui conservée à l’Albright-Knox Art Gallery de Buffalo aux États-Unis) et, l’année suivante, reproduit cette même figure hiératique dans son Autoportait au Christ jaune (musée d’Orsay à Paris). Cependant, avant Gauguin, bien des artistes avaient été inspirés par la chapelle de Trémalo (mais non par le Christ en croix) : l’Allemand Otto Weber vers 1863, l’Américain Frederick A. Bridgmann entre 1866 et 1871, le Français Auguste Anastasi vers 1869-1870, le Suisse Henri Girardet en 1871, l’Anglais George Sherwood Hunter en 1873, l’Irlandais Augustus Burke en 1876, l’Américain Franck C. Penfold vers 1880, la Finlandaise Hélène Schjerfbeck en 1884. C’est dire que l’édifice a séduit nombre de peintres et de dessinateurs de toutes nationalités avant 1889, et a continué à les attirer jusqu’à nos jours.

Il est juste de dire que la chapelle de Trémalo ne peut laisser indifférent, et qu’elle doit son charme particulier à son environnement naturel et au caractère à la fois simple et recueilli du sanctuaire. L’édifice, situé sur les hauteurs qui dominent Pont-Aven (mais sur le territoire de la paroisse de Nizon), se trouve sur le chemin qui monte du bourg vers le manoir du Plessis-Nizon (résidence du propriétaire de la chapelle, M. Xavier de La Villemarqué) et, d’autre part, vers le hameau de Trémalo. On y accède par une longue allée de chênes et de châtaigniers, dans ce qu’on appelle localement le Bois d’amour, et la majesté de ce parcours contraste avec la simplicité de la chapelle, formant un ensemble réellement harmonieux.

Construite en 1550 (comme en témoigne une inscription au-dessus de la porte sud), elle est de fondation seigneuriale : le blason des du Plessis[1] (d’argent au chêne arraché et tigé de sinople, englanté d’or au franc-canton aussi chargé de deux haches d’armes de gueules adossées et posées en pal) figure en plusieurs endroits de l’édifice : sur la façade ouest, sur la maîtresse-vitre, sur les sablières. Le style relève encore du gothique flamboyant, ce qui n’a rien d’étonnant dans cette région où la tradition médiévale persiste en même temps que pénètrent les nouveautés de la Renaissance. Le plan est rectangulaire, orienté est-ouest. La longueur de l’édifice est de 24 m, la largeur de 13 m. À l’extérieur, les murs en granit sont soigneusement appareillés en pierre de taille ; le chevet plat comporte trois baies flamboyantes, celle de gauche étant murée ; la façade occidentale est d’une grande simplicité : une porte en anse de panier, quatre contreforts (deux droits de part et d’autre de la porte, et deux biais aux extrémités nord et sud), un blason sculpté au milieu de la façade, un petit clocher de type cornouaillais, à une seule cloche. Du côté nord, une seule petite fenêtre passante, contrastant avec les ouvertures du côté sud : deux portes en anse de panier (l’une toute simple, l’autre surmontée d’une accolade et de pinacles latéraux), et quatre fenêtres (deux ouvertes dans le muret, deux passantes, la première du xvie s. avec son remplage d’origine, la seconde construite en 1755). L’ensemble est couvert d’une imposante toiture dissymétrique qui descend, au nord, jusqu’à hauteur d’homme.

L’intérieur comporte une nef à six travées, séparée des deux bas-côtés par des arcades en arc brisé, à l’exception de deux qui sont en plein cintre). Les colonnes sont cylindriques (sauf une, octogonale) et à pénétration directe, c’est-à-dire sans chapiteaux, ce qui est commun dans les édifices de cette époque. La voûte est couverte d’un lambris de bois, et la solidité de l’ensemble est assurée par des entraits engoulés reliés entre eux, en haut des murs, par des sablières ornées de nombreuses sculptures représentant des animaux, réels ou fabuleux, et des têtes de personnages aux expressions les plus diverses. La maîtresse-vitre a conservé quelques éléments anciens, de la fin du xvie s., en particulier une Messe de saint Grégoire (sujet iconographique rare en Bretagne), les Saintes Femmes au tombeau, et plusieurs écus armoriés.

Le mobilier est constitué de trois autels adossés au chevet, simples coffres en bois peu ornés, séparés de la nef par une grille de communion d’un bout à l’autre du chœur. Curieusement, la statuaire ne comporte pas d’image de saint Malo, que l’on attendrait par référence au nom du lieu : au xviie s., la chapelle était appelée « Notre-Dame de Saint-Malou ». En revanche, on y trouve, outre le célèbre Christ jaune (bois, fin du xve s., cl. M.H. 1957), des statues de bonne facture : Notre-Dame de Trémalo (en pierre tendre du Val de Loire, xve s., cl. M.H. 1957), un groupe de sainte Anne éducatrice (Anne assise, un livre sur les genoux, et la Vierge debout à ses côtés, bois polychrome, xviie s., cl. M.H. 1957), et d’autres d’un style rustique, toutes en bois polychrome : saint Corentin, saint Laurent, saint Étienne, saint Léger, sainte Madeleine (?).

La chapelle a connu bien des restaurations depuis sa construction : on connaît celle de 1755, entreprise par Jean-Baptiste Mahé, recteur de Nizon, celle de 1957, effectuée par le vicomte Patrice de La Villemarqué. En 2009 enfin, l’Association pour la sauvegarde de la chapelle de Trémalo, présidée par M. Xavier de La Villemarqué, a fait faire le rejointoiement des maçonneries de la façade est, de la voûte de la porte sud et de l’escalier du clocher. Pour le drainage de la chapelle, la Sauvegarde de l’Art français a fait un don de 5 000 € en 2008.

 

Tanguy Daniel

 

 

[1] Le nom breton des du Plessis est du Quenquis. La dernière héritière du Plessis épousa en 1690 un Feydeau de Saint-Remy ; la dernière demoiselle Feydeau épousa en 1798 un Hersart de La Villemarqué, Pierre : ce sont les parents de Théodore, auteur du Barzaz-Breiz. La chapelle est aujourd’hui toujours dans cette dernière famille.

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