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À l’est des Pyrénées, le passage du col de Puymorens (ou Pimorent, selon la langue du pays) est une voie de communication essentielle, est-ouest et nord-sud, qui permet la relation entre  les vallées du Sègre et de l’Ariège, entre la Cerdagne, donc, et le pays de Foix. La vallée  qui donne accès au col, du côté est, du côté cerdan, est la vallée de Carol (Querol), où coule l’Aravo, dit aussi Carol (Riera de Querol), et où s’étagent les trois  villages qui contrôlent le passage : La Tour-de-Carol, Porta, Porté. La vallée possède aussi d’autres lieux habités cités dès les IXe–XIe s., Iravals, Querol, Cedret, Courbassil (Cortvassil). Il faut noter que la vallée a gardé, jusqu’au début du XIXe s., une structure politique commune, un peu à la manière de l’Andorre ou du Val d’Aran : une unique commune en rassemblait tout le territoire,  qui n’a été morcelée qu’en 1836 (séparation de La Tour d’avec la haute vallée) puis en 1860 (séparation de Porta et Porté). Domaine direct du comte de Cerdagne puis du comte de Barcelone, cette vallée stratégique n’a jamais connu l’implantation de monastères ou d’ordres religieux qui auraient pu faire de l’ombre au pouvoir civil. Les comtes-rois, qu’ils soient d’Aragon ou de Majorque,  ont veillé à y conserver leurs châteaux (dont celui, fameux, de la Tour Cerdane) et à favoriser la population de la vallée par divers privilèges, afin d’être assurés de la facilité du passage et de la bonne perception des péages. Le roi de France, après l’annexion de 1659, n’aliéna ce domaine, en 1718, qu’à titre viager, et, pour des raisons de police, au commandant de la place nouvelle de Mont-Louis.

La vallée qui, comme toute la Cerdagne, relève jusqu’au  Concordat de l’évêché d’Urgell, en Espagne, a compris dès le haut Moyen Âge plusieurs paroisses, les plus anciennes à Iravals, Cedret et Cortvassil, mais là comme ailleurs l’édification et la modernisation des lieux de culte ont suivi les fluctuations de l’importance de la population ou le déplacement des localités habitées. La Tour, Porta et Porté ne sont pas les agglomérations les plus anciennes, et leurs églises n’ont joui que tardivement du titre paroissial (Porté, après 1860). S’agissant de Porté, il n’existe pas de mention de l’église antérieure au XVIe s., et l’on présume que l’origine de cette église est le transfert, au village, de la chapelle Sainte-Marie d’un hospice situé au sommet du col[1]. Porté, à 1650 m d’altitude, est en effet le village situé le plus près du col (1915 m) : il en subit les dures conditions climatiques et en commande l’accès. Adolphe Thiers a raconté de façon pittoresque son passage, à la fin des années 1830 (« C’est à Porté que l’on  s’arrête et qu’on boit un coup pour prendre courage, avant de franchir le port »), à une époque où le franchissement du col restait risqué par mauvais temps, et où le courrier d’Andorre pouvait périr dans une tempête. Pierre Vidal, en 1879 encore, notait que des habitants de Porté quittaient leurs maisons durant l’hiver. Les guides du XIXe s. insistent sur la modestie du village et de son église « dont le campanile ne dépasse guère les toits avoisinants » (Brousse).

L’église Sainte-Marie de Porté est une simple bâtisse rectangulaire, à nef unique, à chevet plat, sans chœur, flanquée au sud d’une petite chapelle latérale et d’une sacristie. Une tribune en bois garnit la partie antérieure. Il s’agit d’une construction vernaculaire, sans particularité architecturale notable, hormis un chaînage d’angle en pierre de taille, et une porte de même, sur laquelle a été apposée, semble-t-il de façon apocryphe, la date de 1857. Les recherches faites il y a de nombreuses années par M. Guy Ribes permettent de documenter les travaux du XIXe s. : on y voit le souci récurrent de remettre en état un édifice modeste et mal construit, qui, en 1827, n’est couvert que d’une charpente apparente (« un toit retenu  par des poutres mal polies et quelques planches mal ajustées ») et qui n’a pas de clocher. Deux campagnes de travaux ont lieu dans les années 1830-1838 et 1876-1878. Le clocher, construit en 1878, est un simple clocher-mur à deux arcades, avec une seule cloche, fondue la même année. Mais, à peine entreprend-on de réparer la toiture de lauzes que, vingt ans plus tard, il s’effondre. Au tournant du siècle, les maçonneries de l’église sont entièrement reprises : une voûte mince en briques est mise en place. Le mobilier ancien est pourtant là pour témoigner de la continuité de l’édifice cultuel, depuis son érection au XVIe s. : à noter particulièrement le retable latéral sud, du XVIIe s., abritant une statue de la Vierge à l’Enfant, de tradition médiévale, que l’on pense provenir de la chapelle du col de Puymorens.

La commune a entrepris dès 2003, avec l’aide de Michel Rébut-Sarda[2], un programme de travaux comprenant l’assainissement, la consolidation des maçonneries avec pose de tirants, la reprise de la toiture et de la voûte. Pour ce programme, la Sauvegarde de l’Art français a apporté 5 000 €, versés en 2005.

Olivier Poisson

 

Bibliographie :

D.-M.-J. Henry, Le Guide en Roussillon, Nîmes, 2001, [réimpression de l’édition de Perpignan, 1842].

  1. Vidal, Guide historique et pittoresque dans le département des Pyrénées-Orientales, Perpignan, 1879 .
  2. Brousse, La Cerdagne française, 2e éd., Perpignan, 1926.
  3. Ponsich, «Porté», dans Sagnes, J. (dir.), Le Pays Catalan, vol. 2, Pau, 1985, p. 1082-1083.
  4. Cazes, Le Roussillon sacré, Prades, 1990.

 

[1] La construction de cet hospice avait été autorisée le 7 mai 1325 par le roi de Majorque, Sanche, au bénéfice d’un certain Bernat Franc, qui y possédait déjà une cabana (auberge).

[2] Enfant du pays qui fut directeur-adjoint de l’Architecture et du Patrimoine, prématurément disparu.

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