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L’histoire connue de Sainte-Cécile de Mauribal se réduit à peu d’éléments. Le territoire relevait, semble-t-il, de la juridiction de La Bessière, ville franche fondée en 1255 par l’abbaye cistercienne de Candeil. Mais il dépendait du consulat de Puybégon. Le patronage de sainte Cécile semble indiquer que cette église se rattachait, sur le plan ecclésiastique, à l’évêque ou au chapitre d’Albi, dont la cathédrale est elle-même dédiée à sainte Cécile (première mention : 920). En attendant des recherches historiques, l’édifice nous donnera lui-même quelques éléments de datation et quelques pistes.

La petite église se dresse, en position de fanum, au bout d’une colline ou plutôt d’un promontoire, dont le sol est constitué d’argile et de galets. Un minuscule cimetière entoure l’édifice ; du côté est, la pente porte un boqueteau ; pas de presbytère ni de maison proches ; des champs, des vignes. L’église, avec sa couverture de tuiles canal à deux versants, paraît très modeste, sinon pauvre ; il n’y aurait pas le cimetière et le clocher – un clocher-mur formant le pignon ouest –  on pourrait croire qu’il s’agit d’une simple bergerie. L’édifice, (chevet et nef) mesure 15,20 m sur 6,57 m hors œuvre ou 15,20 m sur 14,80 m, si l’on ajoute les deux chapelles latérales qui ont été construites après coup. Mais un tour du bâtiment révèle quelques particularités fort intéressantes, à commencer par le chevet : c’est un chevet plat à angles arrondis, contemporain des églises préromanes à angles arrondis étudiées par le chanoine Debat (1972), par L. d’Alauzier et G. Foucaud (1983) et dernièrement par R. Laurière (2002). On constate une concentration tout à fait remarquable de ces églises près de la jonction des trois départements de l’Aveyron, du Lot et du Tarn-et-Garonne et quelques cas isolés comme celui-ci. La petite fenêtre axiale de Sainte-Cécile, avec son arc en plein cintre creusé dans un seul bloc et ses deux montants de grès, est préromane. L’appareil formé de blocs rectangulaires de grès ou de mollasse est à peu près régulier. Le clocher-mur est percé de deux ouvertures rectangulaires, dont l’une contient une cloche ; il est surmonté d’un fronton triangulaire entre deux pyramidions. Une croix domine l’ensemble. Ce type de clocher-mur est courant dans cette région : on peut citer, par exemple, Saint-Pierre de Rosèdes (à Graulhet), Saint-Pierre de Bezeilles ou Saint-Jean du Vigan (à Cadalen). La ressemblance de Sainte-Cécile avec les églises de ces deux derniers lieux est d’ailleurs troublante : même situation de hauteur, au milieu d’un cimetière, même isolement en pleine campagne, même disposition avec porche sous auvent au sud et chapelle plus tardive, sans doute seigneuriale, au nord. L’appareil primitif de ces deux constructions, que l’on peut attribuer à l’époque préromane (petite porte murée à arc outrepassé à Saint-Pierre), est cependant plus soigné dans cette église qu’à Sainte-Cécile.

L’intérieur (chœur et nef) a conservé son caractère primitif d’origine, même si l’on peut supposer que la nef a été refaite : pas de voûte, une simple charpente avec des arbalétriers à faible inclinaison. Mais à la différence des autres églises à angles arrondis, il n’y a pas ici d’arc triomphal : les travaux ultérieurs en sont peut-être la cause. La paroi du chœur mise à nu laisse apparaître un léger décrochement à mi-hauteur et, à gauche, une baie murée qui doit être d’origine. Elle avait, en face, son pendant, qu’un élargissement postérieur a fait disparaître.

Le versant sud de la toiture couvre à droite une des chapelles latérales, probablement ouverte au XVIe s. (grand arc). Faisant auvent, il constitue à gauche le porche par lequel on accède au bas de la nef. Un simple poteau soutient au milieu la panne inférieure de l’auvent. L’encadrement de la porte est de grès, en plein cintre, mais de tradition gothique (jambages et claveau central). Il semble du XVIe siècle. Le claveau supérieur est sculpté d’un quadrilobe entourant un écu bandé de quatre pièces, avec une fine bordure. Le claveau a été raccourci à droite, ce qui suggère un réemploi. Si l’on fait abstraction de la bordure, le blason pourrait être, selon l’Armorial du Tarn de Charles Portal, illustré par Pierre Mazars (éd. Vielmur, 2004), celui d’un Pezet, de Montans, d’un Monestié, de Rabastens, ou d’un de Cahours, de Cadalen. Montans et Cadalen sont à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau, Rabastens à une quinzaine. Les deux vantaux cloutés sont anciens. Toujours sous le porche, réemployée comme simple pierre à bâtir dans le mur ouest qui prolonge le clocher-mur, se trouve une clef de voûte en calcaire blanc, portant la date, repassée en noir, de 1554. Le croisement des ogives indique qu’elle provient d’une voûte rectangulaire, assurément celle de la chapelle nord, aujourd’hui couverte de charpente. Cette chapelle, à laquelle on accède depuis la nef par un arc gothique sur jambages arrondis, était sans doute une chapelle seigneuriale ; on voit le départ des ogives, mais aussi le profil de la voûte sur les parois, l’enduit mural ayant malheureusement disparu. Un fragment oublié sur le mur intérieur sud de la chapelle, au-dessus d’une niche rectangulaire murée qui pourrait être un enfeu, porte quelques mots d’une inscription au charbon qui paraît relativement ancienne. On croit lire : PETRUS… DIEM. Les ogives, d’un grès très friable appelé dans le pays arena, ont dû s’effondrer avec la voûte. Cet effondrement est antérieur à 1761. En effet, cette date a été gravée en graffiti sur une pierre du mur ouest du porche, donc après l’intégration de la clef de voûte dans celui-ci. Retenons donc à titre d’hypothèse que la chapelle seigneuriale, la clef de voûte (1554) et les armoiries de la porte (à identifier) pourraient être contemporaines.

Le seul meuble digne d’être noté est un bénitier de pierre à godrons, très abîmé et installé dans la chapelle nord, à la place de l’autel.

Signalons enfin de petites croix gravées, les unes sous le porche, à côté de la date de 1761, ce qui en donne l’époque, les autres assez nombreuses sur le contrefort nord-est de la chapelle nord : elles sont la marque d’une dévotion, dont les mobiles précis nous sont inconnus.

En 1982, devant l’état désastreux de l’église, dont une partie de la charpente s’était effondrée sur l’autel et dont les murs et le clocher étaient attaqués par le lierre, des bénévoles l’ont mise hors d’eau et ont remplacé les vitraux, sans doute brisés, par du « verre martelé » : ils se sont ensuite constitués en association sous le nom des Amis de Sainte-Cécile. Dix ans plus tard, il est apparu indispensable de restaurer le clocher fissuré et la couverture rétablie dans l’urgence et de nouveau dégradée. Il faudrait agir avec délicatesse dans la restauration et l’entretien de cet édifice remarquable par son ancienneté, fragile et maltraité par les ans.

La Sauvegarde de l’Art français a accordé en 2006 pour ces derniers travaux une aide de 2 300 €.

Jean Delmas

Le projet en images