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Au flanc du massif du Caroux, là où celui-ci domine le confluent du Jaur et de l’Orb, dans ce qui est aujourd’hui le parc naturel régional du Haut-Languedoc, de superbes vallées boisées – reboisées – abritent de non moins beaux villages, malheureusement peu habités. C’est le cas de Douch[1], hameau de la commune de Rosis, qui constitue d’ailleurs un site protégé[2], remarquable.

L’église Sainte-Marie de Douch s’élève à l’écart du village, dans un environnement splendide. Son presbytère est attenant, en retour d’équerre, et l’on peut voir alentour les ruines d’autres édifices, parmi de grands arbres.

Nous sommes ici aux confins des anciens diocèses de Béziers et d’Albi, puis, après 1317 et les créations de Jean XXII, aux limites de ceux de Béziers, Saint-Pons-de-Thomières et Castres. La partie montagneuse du diocèse bitterois était comprise dans l’archiprêtré de Boussagues, division instaurée au XIVe s. lors de la réforme du chapitre cathédral et de la disparition de ses archidiaconés territoriaux. Cette circonscription ecclésiastique comptait plus de trente paroisses, dont d’ailleurs les églises ont été plusieurs fois mentionnées dans ces Cahiers[3].

La fondation de l’église de Douch est très ancienne : la première mention figure dans le testament du vicomte Matfred de Narbonne, en 966, aux termes duquel celui-ci lègue à son fils Ermengaud, clerc, divers biens qu’il devra restituer à son frère aîné Raymond, s’il devenait évêque. Parmi ces biens figure l’alleu de Douch et son église Sainte-Marie. Ce legs fut ratifié par la veuve de Matfred, Adalaïs, en 978. Après la réforme grégorienne, l’église de Douch releva de l’évêque de Béziers ; elle est en effet mentionnée dans le rôle des dîmes à la fin du XIVe siècle. L’évêque eut la nomination à la cure jusqu’à la Révolution.

Sainte-Marie de Douch appartient à un type habituel dans cette montagne méridionale : nef unique, entièrement voûtée, flanquée d’un clocher-tour et chœur hémicirculaire couverts en cul-de-four. Ce pourrait être un édifice médiéval, certes pas l’église du temps de Matfred ou d’Ermengaud, mais une église du XIIe ou du XIIIe s., si un certain nombre d’indices ne venaient jeter le doute sur cette lecture trop immédiate. En effet, le fût du clocher, tour carrée assez élevée, située au sud de la nef et servant de porche, est incontestablement médiéval, mais dans les murs de la nef (entièrement enduits à l’intérieur comme à l’extérieur et dont il est impossible d’analyser la maçonnerie), aucun percement n’est antérieur au XVIIIe siècle ; seules les deux baies symétriques de l’abside, dont d’ailleurs le lien avec le reste de l’édifice paraît peu cohérent, dateraient de l’époque médiévale. À l’intérieur, la partie occidentale de la nef est couverte d’un berceau en plein cintre sur doubleaux assez grossiers, la partie orientale étant en berceau brisé : on donnerait facilement à ces structures une origine médiévale, mais un document dément cette hypothèse, sans doute possible.

Le 10 juin 1636, Clément de Bonsi[4], évêque de Béziers, visite pastoralement cette église, et note : « Elle a été autrefoys voutée mais icelle voûte ayant été tumbée de dessus, on la couverte de bois et d’ardoise » ; il ajoute que les murs sont nus et doivent être enduits, qu’ils sont en partie noircis par le feu, que le clocher est sans cloche et « découvert ». Bref, les guerres de Religion n’ont laissé ici qu’une ruine, réparée sommairement en 1636. L’évêque demande alors qu’il soit pourvu au nécessaire. Il faut donc dater la voûte en berceau sur doubleaux et la partie orientale de la nef du milieu du XVIIe siècle ; ce serait un nouvel exemple de ces reconstructions d’églises après les guerres de Religion où l’on a délibérément reproduit les structures de l’édifice jeté à bas, avec une sorte d’intention mémorielle.

En l’absence d’une difficile analyse archéologique, on pourra néanmoins postuler que l’implantation et le plan de l’édifice correspondent à l’édifice médiéval, sans doute déjà agrandi (la différence des systèmes de voûtement serait-elle la reproduction d’une différence antérieure, conséquence d’un allongement de l’église ?). Des chapelles latérales, différentes au nord et au sud, lui ont en outre été ajoutées à l’époque moderne, et l’abside est entièrement du XVIIIe siècle.

Le fût du clocher est sans doute la seule partie authentiquement médiévale de cette église ; il comporte trois étages, séparés par des cordons en pierre ; des piédroits de baies anciennes sont repérables sur la face est de l’étage médian. L’étage supérieur est plus tardif que la partie basse ; il pourrait dater de la fin du Moyen Âge, mais la pyramide en pierre qui le couvre est nécessairement du XVIIe, au plus tôt, si l’on se réfère au texte de la visite pastorale de 1636.

À l’intérieur, l’église ne présente presque pas de mobilier ancien, si ce n’est un tableau peint sur bois, de la fin du XVIIe ou du XVIIIe s., représentant l’Assomption de la Vierge, qui doit être l’ancien tableau du maître-autel[5]. Aujourd’hui l’autel néo-gothique, du début du XXe s., est encadré de deux vitraux datant de 1958, très représentatifs de cette époque. Un autre tableau comparable par le style au premier, représente saint Pierre ; il ornait peut-être un des autres autels. On peut aussi remarquer les fonts baptismaux, cuve monolithe encastrée dans le mur occidental et protégée par une boiserie du XIXe siècle.

Les travaux, entrepris en 2010, ont consisté en la réfection complète de la toiture en lauzes (il reste cependant à réaliser la restauration de la toiture de la chapelle nord), grâce au soutien de l’association de sauvegarde de l’église Sainte-Marie de Douch et des habitants en faveur de l’édifice, campagne de restauration pour laquelle la Sauvegarde de l’Art français a apporté 6 000 € en 2010.

Olivier Poisson.

 

[1] Écrit aussi Dotz, au XIVe, Doutz, Douts, au XVIIIe s.

[2] Arrêté du 6 mars 1969.

[3] La Tour-sur-Orb, Cahiers 16, 2003, p. 176 ; Vieussan, 17, 2004, p. 162 ; Pézènes-les-Mines, 21, 2008, p. 127.

[4] La famille Bonsi (écrit en français Bonsy, ou Bonzy), florentine, place de façon ininterrompue ses membres sur le siège épiscopal de Béziers durant cent ans : de 1573 à 1669. Le dernier et le plus célèbre est Pierre, qui sera archevêque de Narbonne et cardinal (1631-1703).

[5] Inscrit au titre des Monuments historiques (2008), ainsi que l’autre tableau représentant saint Pierre.

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