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Église Notre-Dame de Lure. Cette église, située à 1 200 m d’altitude, au creux d’un vallon sauvage du versant méridional de la montagne de Lure, est le principal vestige d’une abbaye bénédictine, filiale de l’ordre de Chalais, qui eut un rayonnement éphémère dans le Sud-Est aux xiie et xiiie s.

Les circonstances – assez bien connues – de la fondation de Lure illustrent bien le climat dans lequel s’élevèrent nombre d’établissements monastiques. Vers 1165, plusieurs seigneurs locaux, Foulques des Orgues, Frézol, son frère Rambaut et son neveu Raimon, Gondebert du Val, son frère Guillaume et ses enfants Léger et Gondebert, Bertrand de Graveson, Guillaume de Montlaux et Léger, frère d’Elfand, abandonnent à l’abbé de Boscodon, Hugues, la montagne de Lure et tous les droits qu’ils prétendaient posséder en ce lieu. Ils se chargent en partie de la construction de l’église et du futur monastère et agissent auprès du comte de Forcalquier, Guillaume qui confirme cette donation. Celui-ci la renouvela encore solennellement le 1er mai 1207 et y ajouta plusieurs terres destinées à assurer le développement de l’abbaye.

Il est probable que le monastère n’a pas été créé ex nihilo mais a succédé à une installation de moines de Val-Badon, (fondation de saint Mary), chassés par les troubles du ixe s. Il est encore plus vraisemblable que les terres en question avaient été usurpées à la suite de ces troubles par les seigneurs locaux.

Le site, sur les lisières d’une antique forêt de chênes qui couvrait jadis la montagne de Lure, était remarquablement choisi et parfaitement conforme aux goûts des Chalaisiens. Le premier abbé fut Guigues de Revel lui-même. Artisan de la réforme chalaisienne à Boscodon, il quitta l’abbaye embrunaise pour prendre la tête de celle de Lure. Fondateur également de l’abbaye de Prads, puis évêque de Digne en 1184, il paraît avoir été partout un grand bâtisseur.

Le monastère de Lure fut uni dès le début du xive s. au chapitre de la cathédrale d’Avignon, puis sécularisé à la fin du xve s. Malgré diverses altérations au cours des siècles et des restaurations malencontreuses au xviiie (bras nord du transept) et au xixe s. (façade et tribune occidentale), l’église romane est encore un bon exemple des constructions des Chalaisiens dans le dernier quart du xiie s.

Elle comprend un vaisseau unique de quatre travées terminé par un chœur à chevet plat. Entre les deux, se greffe un « transept bas » dont chaque bras est doté d’une chapelle rectangulaire. Le même parti se remarque à Boscodon, Valbonne, Notre-Dame-du-Bourg à Digne, etc. Des berceaux en plein cintre s’étendent sur la nef et le transept, des berceaux légèrement brisés sur les chapelles. On note dans le chevet plat une grande baie surmontée d’une ouverture cruciforme, comme à Valbonne. Signalons aussi des vestiges des autels romans et, dans les chapelles, des lavabos et des niches-crédences ainsi que la pierre tombale d’un abbé. À l’intérieur comme à l’extérieur, aucun décor, mais des proportions majestueuses et des murs puissants, parementés en moyen appareil de calcaire local, dur et gélif.

Contre le mur nord a été ajouté, probablement dans la première moitié du xiiie s. un bas-côté couvert d’une voûte en quart de cercle. Il est sans aucune communication avec la nef mais débouche sur le bras nord. Il a conservé dans la première travée, du côté nord, l’ancien portail de l’église, la façade occidentale en étant dépourvue probablement à l’origine (l’actuel date du xixe s.).

La puissance, la beauté et la sévérité de cette construction l’apparentent à l’esprit de l’architecture cistercienne.

Le monument, propriété de la commune de Saint-Étienne-les-Orgues, était laissé à l’abandon depuis longtemps, bien qu’il soit resté le but d’un pèlerinage local le 15 août. Endommagé par les crues d’un torrent voisin, il donnait récemment de dangereux signes d’épuisement : toiture dégradée, voûtes fissurées, parements disloqués, etc. Un chantier de jeunes organisé chaque été depuis 1976 par l’association des Amis de Notre-Dame de Lure, para au plus pressé, puis alerta la Sauvegarde. Celle-ci accorda plusieurs subventions en 1978 et 1979 s’élevant à la somme de 150 000 F. Les travaux de sauvetage effectués en 1978 et 1979 sous le contrôle de J.-P. Ehrmann, architecte des Bâtiments de France, par l’entreprise Mapelli ont eu pour objet : l’étaiement puis la reprise des maçonneries de l’absidiole et du bras sud du transept ; la réfection totale des toitures du chœur : dépose des lauses anciennes, établissement d’une dalle de béton étanche coulée à l’extrados des voûtes, remise en place de lauses en restituant les volumes et les niveaux anciens, réfection de la toiture en tuiles rondes de la nef, injection de chaux dans les parements disjoints du chœur.

Le concours de la Sauvegarde, joint aux efforts de l’association des Amis du sanctuaire, du comité de sauvegarde des monuments de Haute-Provence, de la mairie et de la paroisse a permis une intervention rapide, seule capable d’empêcher la ruine de l’édifice. Celui-ci a pu ainsi être classé monument historique le 30 juillet 1980.

L’« ermitage » voisin, au nord-ouest, fragment des communs, avec un grand cellier, est en cours de restauration. Près du bourg de Saint-Étienne, sur la route de Cruis, subsiste une très belle grange dénommée aujourd’hui « l’Abbaye ». Elle comporte deux salles superposées voûtées en berceau brisé (xiiie s.). Auprès d’elle, se reconnaissent les vestiges d’un moulin à eau. Un autre se voit également sur le Lauzon, entre Cruis et Montlaux. Des restes de moulin à vent dépendant aussi de l’abbaye existent en outre sur le replat de la montagne, près de l’embranchement de la route et du chemin conduisant au monastère. À l’intersection se dresse toujours un oratoire qui vient aussi d’être restauré. C’est donc tout un ensemble très significatif que la Sauvegarde se devait de contribuer à remettre en valeur.

 

Bibliographie. – (1) Gallia Christiana, tome I, col. 510. – (2) M. Terrel et A. Aussibal, Abbayes romanes de l’Ordre de Chalais, Zodiaque, 1975. – G. Barruol, Provence romane, 2, Zodiaque, 1977, p. 240-241. – J. Thirion, Alpes romanes, Zodiaque, 1980, p. 33 et 320. – (3) G. Barruol, P. Colomb, J.-P. Erhmann, J. Gires, J. Thirion, « Patrimoine architectural de Haute-Provence », no 288 des Annales de Haute-Provence, 1980, p. 56-59.

 

  1. T.

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