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Comme il arrive parfois, l’église de Saint-Martial-sur-Né (jusqu’en 1937 Saint-Martial-de-Coculet) semble avoir eu, malgré ses dimensions modestes (sa longueur totale n’excède pas 24 m) et son apparente simplicité, une histoire assez complexe mais fort mal documentée.

À l’origine, il y eut sans doute une église à nef unique, d’une longueur d’environ 11 m, pourvue d’un chevet dont le plan et les dimensions sont inconnues. Le mur nord a fait l’objet, semble-t-il, de nombreuses réparations, mais pourrait remonter à la fin du XIe siècle ; il est percé de deux ouvertures ; l’une, probablement d’origine, très étroite, a été ultérieurement bouchée ; l’autre, plus à l’est, est peut-être le résultat de l’agrandissement (sur le modèle des fenêtres de la nef latérale sud ?) d’une fenêtre identique à la première ; toutefois, dans son état actuel, son encadrement semble appartenir à la campagne de travaux dont l’église fit l’objet au XIXe siècle. L’absence de contreforts tendrait à prouver que cette nef unique n’était pas voûtée.

Au cours du XIIe s., une façade en bel appareil, cantonnée de deux contreforts plats, fut construite à l’ouest de cette nef et l’on peut encore lire, dans la partie supérieure, la trace du pignon correspondant à ce premier état ; le portail en plein cintre, assez élégant mais dont la partie inférieure est dissimulée par le rehaussement du sol environnant, comporte trois voussures inscrites sous un arc (en grande partie refait) orné d’une suite de demi-cercles alternés. Il est à noter que, même si ce portail, légèrement ébrasé, est conforme, dans ses grandes lignes, à un type très fréquent en Saintonge, le détail de son décor n’a rien à voir avec la sculpture, souvent surabondante, qui caractérise les chapiteaux et les voussures de bien des églises de cette région. Ici les voussures ne comportent que des tores cylindriques lisses qui retombent, par l’intermédiaire de petits congés, sur les moulures d’une corniche qui déborde sur les côtés jusqu’à la naissance de l’arc extérieur et sert de tailloir aux minces colonnettes des piédroits ; le diamètre de celles-ci est identique à celui des tores des voussures et leurs chapiteaux sont si peu volumineux que l’on pourrait croire que le portail est encadré par une série de tores continus comme l’on en trouve plus à l’est, en particulier dans la région limousine.

Au-dessus de ce portail court un bandeau dont la moulure inférieure est soutenue par des modillons au décor très simple (une sorte de feuillage nervuré) mais largement refait. Une fenêtre, petite et étroite avec un linteau échancré, est percée au-dessus, au centre du pignon originel.

Il est difficile de savoir si cette façade est antérieure ou postérieure aux travaux, infiniment plus importants, qui ont donné son aspect actuel à la partie orientale de l’église. Ils aboutirent en effet à presque doubler la longueur de l’église par la construction de deux travées, la première pour servir de base à un clocher, la seconde pour abriter le sanctuaire. Le clocher, de plan sensiblement carré, d’aspect massif, est conforme à un type largement répandu dans tout l’ouest de la France. Il est contrebuté par quatre contreforts, deux au nord, deux au sud, perpendiculaires à l’axe de l’église. Cette « travée sous clocher » est éclairée par deux fenêtres, hautes de près de trois mètres, étroites mais assez fortement ébrasées, tant vers l’extérieur que vers l’intérieur ; à la partie supérieure des murs une corniche ornée de « dents de scie », s’étend d’un contrefort à l’autre et contourne, à bonne distance, le cintre des fenêtres. Si la fenêtre nord conserve ses dispositions d’origine, il est possible que l’aspect extérieur de la fenêtre sud ait été restauré en s’inspirant de la fenêtre nord.

La travée la plus occidentale, elle aussi presque carrée, où se trouve le sanctuaire, est renforcée par des contreforts implantés obliquement ; elle n’est éclairée que par une fenêtre d’axe qui a pu être agrandie à la fin du Moyen Âge, si l’on en juge par les amorces de remplage que l’on peut observer sur ses piédroits. C’est sans doute durant la même période qu’une niche rectangulaire fut creusée dans le contrefort sud-est : elle abrite aujourd’hui une statuette de saint évêque, d’un style un peu naïf, qui paraît récente.

Mais le trait le plus remarquable des deux travées occidentales de l’église de Saint-Martial-sur-Né, tient essentiellement à leur mode de couvrement : leurs croisées d’ogives rattachent l’église de Saint-Martial au petit groupe d’églises de Saintonge dans lesquelles ce mode de voûtement fut expérimenté dès la seconde moitié du XIIe s., plus particulièrement peut-être dans les «travées sous clocher » où elles remplacèrent les traditionnelles coupoles sur pendentifs. René Crozet avait naguère remarqué l’implantation un peu maladroite des croisées d’ogives de Saint-Martial sur les angles des dosserets, ce qui pourrait suggérer une date relativement précoce. La voûte du sanctuaire dont les ogives retombent sur des consoles ornées de figures fantastiques serait plus évoluée mais à peine plus tardive.

Il est infiniment plus difficile de proposer une date pour la nef latérale qui vint s’appuyer sur le mur sud de la nef primitive avec laquelle elle communique largement. Un tel accroissement n’a rien d’exceptionnel au XIIIe s. et dans la première moitié du XIVe s., période de croissance démographique assez générale. On en trouve aussi de nombreux exemples dans la seconde moitié du XVe s. et une reconstruction après les Guerres de Religion ne peut être exclue ; mais rien dans l’état actuel de cette partie de l’église ne permet de choisir entre ces diverses possibilités : ni l’appareil des murs, peu visible sous les enduits mais, semble-t-il, très ordinaire, ni les trois contreforts plusieurs fois réparés, ni la forme des fenêtres, dont les arcs brisés sont taillés dans un seul bloc de pierre, ne sont vraiment significatifs. La fenêtre orientale paraît ancienne ; les deux autres, fort semblables à la seconde fenêtre du mur nord, pourraient avoir été refaites à la même époque ; la présence, dans un terrain voisin, de pierres provenant manifestement de fenêtres du même type n’est pas sans poser quelque problème. Toutefois le fait que la façade de l’église ait été élargie pour englober la face occidentale de cette nef secondaire et que cet élargissement ait été réalisé en grand appareil très soigné pourrait plaider en faveur d’une date précoce.

On sait que l’église a fait l’objet de travaux au XIXe s. ; il est possible que la partie supérieure du clocher ait alors été largement reconstruite : l’aspect néogothique de la baie nord de l’étage supérieur (deux lancettes surmontées d’un quadrilobe) paraît en témoigner ; il contraste en tout cas avec la large ouverture, de la taille d’une porte, qui, du côté sud, pourrait attester, en dépit ou même à cause de sa position élevée, que ce clocher a été utilisé comme refuge. Peut-être est-ce dans la suite des travaux réalisés sur le clocher que la nef fut pourvue d’une voûte en plâtre.

L’église, qui couronne un petit tertre, était autrefois entourée de son cimetière. N’en témoigne plus qu’une petite stèle du XIXe s. ; la croix antéfixe fixée aujourd’hui sur le pignon oriental pourrait être un montage réalisé à partir d’une croix provenant du cimetière disparu. Il est aussi possible qu’une auge de grande dimension déposée à proximité soit un ancien sarcophage.

Les récents travaux ont redonné toute son harmonie à cette petite église «non protégée» ; il est peut-être regrettable que les beaux volumes du chevet soient directement confrontés aux énormes cuves d’une entreprise de stockage dont ils ne sont séparés que par une route secondaire.

La Sauvegarde de l’Art français a accordé un don de 10 000 € pour la restauration de la maçonnerie, de la charpente et de la couverture du clocher et du chœur.

Jean-René Gaborit

 

Ch. Connoué, Les églises de Saintonge, II, Saintes (2e série) et Marennes, Saintes, 1955, p. 107.

R. Crozet, L’art roman en Saintonge, Paris, 1971, p. 90.

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