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Saint-Martin-du-Mesnil-Oury est la réunion de deux anciennes paroisses, devenues communes, réalisée d’office par ordonnance royale du 19 décembre 1831 : Saint-Martin-des-Noyers et La Trinité-du-Mesnil-Oury.

Loin de toute habitation (aucune n’est visible à la ronde), la petite église Saint-Martin[1], Insérer photo 1 et plan , sise sur le flanc d’un coteau bossué, verdoyant, avec des arbres ici ou là, domine à 75 mètres d’altitude la Vie qui coule plus bas à 25 mètres ; la « nouvelle route » pour y accéder depuis le bas, à l’est, est à peine carrossable. Depuis l’église, et des loupes environnantes, la vue sur la vallée est splendide.

Cette petite église, typique du patrimoine augeron, qui dépendit jadis de l’abbaye de Saint-Pierre-sur-Dives, remonte au XVIe siècle. Cependant elle a subi diverses détériorations, probablement dues à la nature argileuse du terrain qui fait basculer l’édifice vers le sud et surtout vers l’ouest, tout autant qu’à des restaurations malheureuses.

Ce penchant vers l’ouest est paradoxal dans un terrain soumis à la solifluxion qui glisse vers la vallée à l’est[2].

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L’environnement de l’édifice a changé : on y accédait autrefois par un raidillon ; ce chemin qui desservait le presbytère (rasé) fut supprimé au début du XXe siècle. Le cimetière, qualifié de vaste en 1830, ne présente plus que deux ou trois stèles de la fin du XIXe s. (les sépultures se faisant ensuite au Mesnil-Durand) ; il a reçu quelques nouvelles concessions vers 1991 qui restent marginales, le lieu de sépulture le plus fréquemment utilisé étant Livarot.

La première description, apparemment, par Arcisse de Caumont reprenant des papiers de Charles Vasseur, signalait, dès le Second Empire, que l’édifice présentait « un intérêt tout particulier pour l’archéologue » ; Arcisse de Caumont semble même étonné que cette petite église ou chapelle (« cette mesquine bâtisse ») n’ait pas été démolie, comme celle de la Trinité, dont une partie du mobilier fut transférée à Saint-Michel-de-Livet.

Cet édifice, fondé sur des massifs de silex, est « en bois »[3], sauf le portail, flanqué de deux contreforts, et percé d’une porte « ogivale », « qui paraît dater du XIIIe siècle » : cette observation donnait à penser que l’édifice était antérieur aux plus anciennes mentions datant du XVIe siècle.

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Le porche avec auvent, large de 3 mètres, comme on en trouve devant la porte occidentale de diverses églises des environs, par exemple Saint-Michel-de-Livet où la structure bois est plus complète, retenait déjà l’attention par sa belle ornementation d’un ange musicien sur deux poteaux. La sablière du nord est datée de 1524. Ce porche, seul inscrit à l’Inventaire supplémentaire dès 1926, fut appelé « porche aux lecturés » car on y donnait, après la messe, lecture de divers avis intéressant la population.

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Les vantaux de la porte d’entrée de la nef, à panneaux plissés en serviette (comme à Saint-Michel-de-Livet ou au Mesnil-Bacley), ont été datés du XVIe siècle. Les deux murs latéraux sont en colombages avec remplissage en argile, sauf un contrefort plat près du portail ; le patin, peu élevé, montrait des pierres disposées en arêtes de poisson, ce que certains ont interprété comme le vestige d’une construction romane.

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La nef, longue de 10 mètres, conserve deux petits autels latéraux, eux aussi dotés de quelques panneaux à « traceries flambloyantes », barbouillés en blanc ; les statues les ornant dataient « du moyen-âge ». Mais celle de sainte Barbe, en mauvais état, plutôt considérée comme étant du XVIe s., a été volée vers 2000.

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Plus large que la nef (7,70 m contre 5,80 m) et un peu plus élevé, le chœur présente le même genre de construction. Sa face méridionale a été renforcée par un parement de briques, avec un ajout moderne qui dissimule une ancienne porte. Selon Caumont, le maître-autel du chœur n’a « pour retable qu’une peinture de décoration sans valeur », mais, dans les années 1960, l’administration considéra au contraire que « la curiosité essentielle de cette église résidait dans les trois retables peints en trompe-l’œil, milieu 18 e » ; le tabernacle en pavillon à colonnes torsadées, coiffé d’un dôme, est du XVIIe siècle ; les statuettes de l’entrecolonnement représentent le Sauveur, saint Martin et sainte Barbe. Le tout, peint de bleu-gris avec des rehauts dorés, a triste mine.

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La Charité de saint Martin, en pierre, est attribuée au XVIe siècle ; la position du saint qui tourne le dos à l’encolure de sa monture est inhabituelle ; en 1979, cette Charité fut volée avec une Vierge couronnée à l’Enfant (en pierre, du XVIe siècle) : seule la Charité fut retrouvée… en Belgique[4].

La sacristie, désaxée vers le sud, présente des fissures.

Le clocher, en charpente, est de facture classique ; il est couvert en ardoises à la différence du reste de la toiture en tuiles, comme à Saint-Michel-de-Livet. La petite cloche, baptisée en 1734, a été remplacée en 1929.

Sous le mandat du comte Charles de Létourville[5], la toiture reçut une réparation d’urgence (1873). Cinquante ans plus tard, une nouvelle restauration s’imposait car, selon un témoignage rapporté par Serge Richer, « l’église était ouverte à tous vents et servait de refuge aux lapins »[6]. L’inscription à l’Inventaire supplémentaire[7] a permis l’exécution de travaux importants : réfection de la toiture en 1976, de la voûte du chœur, du porche et du retable.

À partir de 2004, l’association Les Amis de Saint Martin du Mesnil-Oury prit le relais, consciente du risque d’écroulement de l’édifice. Il fut enfin possible d’engager des travaux de consolidation de la charpente et d’assainissement des murs pour lesquels la Sauvegarde de l’Art français a apporté en 2008 une aide de 12 000 €.

 

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Louis Le Roc’h Morgère[8]

 

 

 

[1] L’édifice a été décrit par Arcisse de Caumont, Statistique monumentale du Calvados, Paris, 1867, t. 5 (arrondissement de Lisieux), p. 615-617, puis par Jean-Michel Gadrat, « L’église de Saint-Martin-du-Mesnil-Oury », Bulletin de la Société historique de Lisieux, 1990-1991, p. 27-34, et enfin et surtout par Serge Richer, Saint-Martin-du-Mesnil-Oury, 2003, 152 p. (disponible auprès de l’Association de sauvegarde de Saint-Martin-du-Mesnil-Oury, s’adresser en mairie).

[2] Il faut toutefois s’interroger sur l’inclinaison du bâtiment vers l’ouest : elle est ancienne mais toujours nettement visible par rapport à la verticale du porche charpenté ; on peut supposer que le poids du clocher et de la toiture en tuiles, plus lourdes que les ardoises, y contribue, moins sans doute que la nature argileuse du sol.

 

[3] C’est-à-dire avec une structure de poutres verticales comblée par de l’argile, dite à pans de bois.

[4] C’est l’occasion de rappeler, à nouveau, la nécessité du scellement des œuvres ou de leur mise à l’abri dans des locaux officiels (dépôts, services d’archives départementales). C’est une des plus immédiates mesures à prendre pour protéger le petit mobilier qui orne nos édifices religieux. Signalons à l’attention des décideurs publics (État, collectivités) que le scellement n’est pas une dépense exorbitante (moins de 300 €).

[5] Maire de 1873 à 1878.

[6] Maçonnerie, plâtrerie, charpente et couverture : la moitié du devis étant couvert par une souscription ; à cette époque (1920) le Département n’offrit qu’un secours modique.

[7]Inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du secrétaire d’État à la Culture en date du 29 novembre 1974.

[8] Qui remercie pour sa disponibilité M. Guérard, maire, et pour leur contribution MM. Jean-Marie Lebeurier et Didier Paillard, attachés de conservation du patrimoine à la Direction des Archives du Calvados.

Le projet en images