Saint-Rémy-de-Provence, Ancien prieuré Saint-Paul-de-Mausole

un chef d’oeuvre de l’art roman provençal dédié au soin des aliénés, des malades et des démunis

Construit dans le voisinage de la cité gallo-romaine de Glanum, le monastère de Saint-Paul et son clocher roman à deux étages de plan carré, coiffé d’un toit pyramidal, s’élèvent dans un magnifique paysage de pins et d’oliviers, typiquement provençal. 

L’édifice abrite un magnifique cloître roman des XI^e et XII^e siècles. Au centre du promenoir s’articule un jardin médiéval fleuri, délicatement entretenu et donnant à la pierre toute sa grandeur.

D’après les textes, une chapelle dédiée à saint Pierre existait déjà à cet emplacement en l’an 982. Un monastère dédié à Saint-Paul Apôtre devait également s’y élever au XI^e siècle.
En 1080, l’église fut dite pour la première fois « ad Mausoleum », en référence à la proximité de son antique monument voisin, le Mausolée des Julii.

A cette époque, une source attirait les pèlerins venant supplier la déesse Valetudo de leur accorder la santé.
Cette croyance païenne en la bienveillance divine a survécu des siècles, jusqu’au moment où des chrétiens d’origine glanique fondèrent ce prieuré qui eut toujours pour mission le soin des personnes rejetées et en particulier des malades mentaux. Le prieuré aurait alors pris la succession du lieu où se reposaient malades et pèlerins païens, sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, et accueillit charitablement, dès son origine, les « aliénés », les malades et les démunis.

S’y succédèrent pendant plus de dix siècles, des moines de différentes congrégations : celle des chanoines de 1080 à 1317, celle des archidiacres de 1317 à 1605, celle des franciscains observantins de 1605 à 1791. En 1791, la vente du prieuré, confisqué pendant la Révolution, entraîne l’expulsion des moines et la méfiance des familles des malades.

La vente des biens ecclésiastiques allait alors changer la direction de l’asile avec l’arrivée de médecins laïques associés à des Congrégations religieuses parmi lesquelles les Sœurs de Saint Vincent de Paul, puis de Saint-Joseph d’Aubenas.

La Révolution de 1789 nationalisa le couvent qui fut rapidement vendu à trois laïcs de Saint-Rémy qui le revendirent en 1807 au Docteur Mercurin. Ce médecin fonda un asile psychiatrique et en fit un établissement d’excellente renommée. A sa mort en 1847, l’asile passa aux mains de ses héritiers tandis que des religieuses appartenant à diverses congrégations s’occupaient avec dévouement des soins à donner aux malades et aux personnes âgées, ainsi que de l’administration.

En 1906, un descendant du Docteur Mercurin fit don des bâtiments à la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Vesseaux en Ardèche, avec une clause testamentaire, de maintenir l’activité psychiatrique dans l’établissement : la Maison de santé Saint-Paul.

l’hospitalisation de Vincent Van Gogh à Saint-Paul de Mausole

Souffrant d’hallucinations, d’attaques d’épilepsie et d’accès de démence, Vincent Van Gogh, en provenance d’Arles, est interné à sa demande au prieuré Saint Paul. Il séjourne dans le pavillon des hommes une année entière, de mai de 1889 à mai 1890.

Fasciné par la qualité de la lumière et par l’ardente beauté des paysages qu’il découvre à Saint-Rémy, stimulé et soulagé par l’ambiance sereine et compréhensive des religieuses et du personnel soignant qui l’accueillent, il réalise 143 peintures à l’huile et plus de 100 dessins en l’espace de 53 semaines. En outre, Van Gogh put bénéficier d’une seconde chambre qui lui servit d’atelier, et d’une troisième pour stocker ses tableaux. 

Cette période saint-rémoise est considérée comme majeure dans l’œuvre de l’artiste. De nombreux tableaux célèbres ont été peints en ces lieux parmi lesquels « Les iris », « La nuit étoilée », « La chambre de Vincent à Arles », « Champ de blé avec cyprès », « Oliveraie », « Les premiers pas », « Champ de blé au faucheur », « La sieste », « Les cantonniers », « Jardin de l’hospice St-Paul »….

Depuis la fenêtre de la chambre spartiate qui lui fuit attribuée, Van Gogh apercevait un champ clos qui le fascinait et le bouleversait. Il le peindra à quatorze reprises. Aujourd’hui transformé en jardin d’agrément, il est ouvert au public pour y découvrir les reproductions de ses œuvres principales en grand format et ses trois restanques en champ de fleurs, en carré de blé et en verger.

^{Vue de l’asile et de la Chapelle de Saint-Rémy, Vincent Van Gogh, automne 1889}

Vincent Van Gogh quitte Saint-Paul de Mausole le 16 mai 1890 pour Auvers-sur-Oise où il disparaîtra un peu plus de deux mois plus tard, le 29 juillet 1890, à l’âge de 37 ans.

Dans une lettre à son frère Théo, Vincent Van Gogh exprimait son souhait de voir se créer en Provence une association de peintres.
En 1995, sous l’impulsion du Docteur Jean-Marc Boulon, psychiatre résidant de la Maison Saint-Paul-de-Mausole, l’association Valetudo vit le jour avec pour objectif le développement culturel du site et la mise en place d’ateliers d’art thérapie, de musique, de chant et d’écriture au profit des soins institutionnels.
Exposées et proposées à la vente dans le Centre Culturel créé in situ à cet effet, des œuvres émouvantes, expressives et poétiques, racontent le parcours intérieur des patientes.

« Si elle n’est pas quantifiable, l’influence réciproque entre la Maison de Santé de Saint-Paul-de-Mausole et Van Gogh est indéniable, aucun des deux n’existant dorénavant de la même façon. »
Van Gogh : La vie, l’œuvre et les maladies de Vincent par le Docteur Jean-Marc Boulon

saint paul de Mausole, une mission de soin séculaire, victorieuse des épreuves du temps

La guerre de 1914-1918 transformera en partie Saint-Paul en camp de prisonniers de guerre ou tout au moins en camp d’internés d’origine alsacienne, parmi lesquels le Docteur Albert Schwietzer, connu pour avoir consacré sa vie aux africains.

Pendant l’occupation du midi de la France, de novembre 1942 à 1944, Saint-Paul va être utilisé par les troupes allemandes comme lieu de casernement.

De 1919 à 1964, la Direction médicale fut assurée par le Docteur Edgar Leroy qui a contribué à faire de la clinique un établissement particulièrement apprécié de ses confrères et des malades.

Poursuivant depuis plusieurs siècles sa vocation ancestrale d’accueil et de soins, la Maison de Santé Saint-Paul continue activement sa mission de prévention et de lutte contre les maladies mentales en accueillant quotidiennement plus de 100 malades.

Jusqu’en 2014 la Communauté des Sœurs de Saint-Joseph a participé aux équipes soignantes et assure l’aumônerie des malades et des personnes âgées.
Un psychiatre assure la Direction médicale, entouré de confrères psychiatres et généralistes responsables des unités de soins et de résidence.
Dans les bâtiments, qui sont la propriété de l’association Les Amis de Saint-Paul, sont exploités plusieurs établissements à vocation et orientation psychiatrique. Gérés par l’association 1901 Vivre et devenir-Villepinte-Saint Michel,  ils comprennent deux unités de court séjour soignant exclusivement des femmes, deux Maisons d’Accueil Spécialisées recevant des adultes handicapés ainsi qu’un Centre Culturel dans lequel le soin s’articule avec l’histoire du site, de l’institution et de la psychiatrie.

Une partie de cet édifice au passé historique et au patrimoine architectural remarquable est accessible au public sous réserve du respect de la quiétude et la sérénité des lieux.

un patrimoine de renommée internationale à conserver, protéger et transmettre

En 2022, les Bâtiments de France ont initié l’extension à l’ensemble du site de la mesure de protection de l’édifice qui ne concerne à ce jour que le cloître et le clocher, classés au titre des Monuments historiques.

En vue de cette extension, une étude patrimoniale ainsi qu’un diagnostic sanitaire, aidés à parts égales par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Provence-Alpes Côte-d’Azur et par la Sauvegarde de l’Art Français, sont en cours.
Ils doivent offrir une meilleure connaissance historique et archéologique du site et permettre de définir le programme de travaux de restauration de l’édifice, éprouvé par le temps.

Pour financer les travaux à venir, l’association des Amis de Saint-Paul et la Fondation pour la Sauvegarde de l’Art Français allient leurs forces et en appellent à la mobilisation de tous les amoureux de l’art roman, qui seront, comme nous, sensibles à la vocation médicale et sociale de ce lieu unique en son genre et qui nous rappelle ô combien le patrimoine et la beauté soulagent l’âme.