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On a émis l’hypothèse que l’église Saint-Martin de Sigogne pourrait avoir une origine très reculée ; elle est citée pour la première fois au XIe siècle. Dans son état actuel, l’édifice n’est cependant pas antérieur à la seconde moitié du XIIe s., pour ses parties les plus anciennes (la façade et les deux travées de la nef), au siècle suivant pour la travée sous clocher et le chevet plat.

L’élément le plus remarquable de cette église aux formes massives, est incontestablement le clocher de plan carré, avec, sur chaque face, quatre baies aveugles au niveau inférieur et trois baies ouvertes à l’étage supérieur, couronné d’une corniche à petits modillons. Le portail occidental, singulièrement sobre par comparaison avec la plupart des portails saintongeais, comporte trois voussures nues, entourées à bonne distance et de façon tout à fait inhabituelle, par un grand arc de décharge, peu saillant, qui laisse autour de la voussure la plus extérieure une large zone dégagée. Selon un dispositif relativement rare dans le contexte régional, l’ensemble s’inscrit dans une surépaisseur rectangulaire qui occupe à peu près la moitié de la partie inférieure de la façade ; elle est surmontée d’une fenêtre, très haute et très étroite. L’ensemble des maçonneries de la partie occidentale de l’édifice porte des traces de remaniements et de réfections d’interprétation difficile. L’église a, en effet, fait l’objet, en 1877 puis en 1888, de deux campagnes de travaux, menées par deux architectes de Jarnac, Fouche et Priollaud, mais l’étendue de leurs interventions ne semble pas connue avec précision.

La nef, voûtée en berceau brisé, est soutenue en son centre par un arc doubleau reposant sur de grosses colonnes engagées. Dans la travée sous clocher et le chevet carré, les voûtes sur croisées d’ogives, pourvues de liernes, semblent d’origine. La fenêtre orientale du chevet, en plein cintre et dans laquelle on a voulu voir, probablement à tort, les vestiges d’un triplet, a été murée, probablement lors de l’installation, à l’intérieur, d’un grand et beau retable en pierre blanche, jadis rehaussé de dorure et ordonné autour de quatre colonnes corinthiennes cannelées, placées sur un stylobate élevé. Cet ensemble, fâcheusement mutilé dans sa partie centrale par l’enlèvement de l’autel, semble dater du XVIIe siècle. Neuf verrières, dues à l’atelier Dagrand de Bordeaux, garnissent les baies du chœur et de la nef qui, au moins pour l’essentiel, paraissent d’origine.

Le décor sculpté se concentre essentiellement sur les cinq chapiteaux authentiques du portail (félins, oiseaux et feuillages) bien caractéristiques de l’art roman saintongeais tardif ; ceux qui supportent l’arc doubleau de la nef (gros masque cornu entouré d’un dragon et d’un félin au nord ; atlantes vus à mi-corps au sud) ont suscité des doutes légitimes et l’on peut se demander s’ils ne remontent pas à une des deux restaurations de la fin du XIXe siècle. On ne peut que regretter que lors de la campagne récente de travaux dont la façade occidentale a fait l’objet, il ait été jugé utile de refaire, dans un style roman approximatif, le chapiteau dextre du grand arc de décharge qui surmonte le portail.

Pour participer à la consolidation de la maçonnerie du chevet, la Sauvegarde de l’Art français a accordé un don de 7 000 € en 2011.

 

Jean-René Gaborit

 

Bibliographie :

 

Fr. Marvaud, « Répertoire archéologique de la Charente », Bulletin de la Société archéologique de la Charente, 3e série, t. 4, 1862, p. 294.

Abbé J. Nanglard, Pouillé historique du diocèse d’Angoulême, Angoulême, t. 3, 1900, p. 445-448 ; t. 4, 1903, p. 463.

  1. George, Les églises de France. Charente, Paris, 1937, p. 264.

Ch. Connoué, Les églises de Saintonge. IV. Cognac et Barbezieux, Saintes, 1959, p. 152 et pl. 59.

  1. Crozet, L’art roman en Saintonge, Paris, 1971, p. 80 (n.56), 96 (n.93) et 108 (n.129).

 

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