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Il s’agit d’une fondation ancienne que Guillaume le Conquérant offrit pour un tiers à l’abbaye de Cerisy-la-Forêt [1], ou, selon d’autres chroniques, à l’abbaye de Notre-Dame-de-l’Étoile (Montebourg, dans la Manche) [2]. En fait, chacune de ces deux abbayes obtint un tiers de la fondation, le troisième tiers fut attribué au seigneur du lieu [3].

Longue de 35 mètres, l’église comporte une nef un peu plus haute que le chœur, dont le sépare un mur diaphragme. Les contreforts du mur sud ont été remaniés assez récemment, puisqu’on y trouve des fragments funéraires gravés datant du XXe siècle.

C’est par une erreur qu’on a daté la sacristie des XVIe-XVIIe siècles : son appareillage en briques situe dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il semble d’ailleurs que la couverture de schiste de la sacristie pèse trop et fragilise l’abside.

Á l’intérieur de l’édifice, deux inscriptions donnent la date de construction du clocher. Celui-ci fut construit en 1573 grâce à Gauthier Durevy, seigneur de la paroisse : une mauvaise lecture épigraphique datait la tour de 1513[4]. L’inscription, assez abîmée, au-dessus de la porte de la tour se lit ainsi : « Ceste tour fut faicte faire par noble homme Gaultier Durevy, seigneur de ceste parroisse de Sotheville, et commencée le XXIIIe de mars VC LXXIII et achevée le XVIIe de juin prochain ensuivant, et machonnée par Guillaume Samson et Jean di[ct]z Bellet de Helleville et y’a à ladite tour cent cinquante et neuf journées de machonry, cedict an, le bley estoit fort cher » (transcription Louis Le Roc’h Morgère, d’après photo n-b de J. Fontaine, 1990). Le blason a été martelé ; selon Pontaumont, il était « d’azur au cygne d’argent becqué et onglé de gueule au chef d’or chargé de trois merlettes de sable ». On note une seconde inscription dans le chœur de 1583 : « Cy devant gisent nobles hommes Jean et Gaultier dictz Durevye, père et filz, eulx vivantz seigneurs de Sotheville, ledict Jean décéda le XVIe jour de may Vct XXXVI, et ledict Gaultier le XXIIIIe jour de mars mil Vcc IIIIxx III. Dieu leur face pardon, amen. Pater noster, Ave Maria » [5]. Décédé en 1583, Gauthier pouvait difficilement avoir fait édifier la tour en 1513…

On remarque dans le soubassement du clocher de longues dalles de granit figurant des croix cerclées.

La façade, épaulée par deux contreforts, est percée d’une porte dont l’archivolte repose sur trois colonnettes à chapiteaux modestes ; elle a été ornée tardivement d’un linteau en arc surbaissé tandis que, dans le tympan, était insérée une pierre calcaire sculptée, aujourd’hui complètement rongée, représentant la tiare et les clefs de saint Pierre. Au-dessus de la voussure supérieure, une niche abrite une statue du saint patron, clef en main droite, la niche étant elle-même surmontée d’un cadran solaire totalement effacé. De part et d’autre de la porte, sont percées des fenêtres, en arc brisé, avec un petit arc trilobé ; ces deux fenêtres ont subi, à l’intérieur, un arasement excessif.

Les fonts baptismaux anciens (XVIIe s.) sont posés sur un fût de pierre.

Le retable, probablement de la fin du XVIIIe s., comporte une grande toile figurant Jésus, une clef dans chaque main [6], devant saint Pierre agenouillé, au bord d’un lac où l’on voit une nacelle faisant allusion à son premier métier de pêcheur et symbolisant l’Église. Au sommet du tableau, un médaillon portant l’inscription « Pasce oves meas » [7]. Sur la gauche, une statue de saint Pierre et, sur la droite, une statue, non de saint Paul mais de saint Sébastien ; ces statues ont été malencontreusement badigeonnées façon marbre blanc.

En 1882, la nef fut ornée de deux petits autels et d’une chaire « en stuc », qui ont disparu.

Les vitraux sont de deux époques et de deux styles bien différents. Les deux fenêtres de la façade, ont reçu des vitraux de Gabriel Loire, verrier chartrain (1904-1996) bien connu, l’un figurant saint Michel l’épée plantée dans le dragon, l’autre saint Jean-Baptiste et l’agneau ; tous deux datent de 1946. L’éclairement intérieur des fenêtres confère à ces vitraux un effet spectaculaire. Les fenêtres de la nef ont été ornées de vitraux de couleurs, exécutés en 1962 par Gérard Bourget, verrier à Saint-Pierre-Église.

La couverture en schiste est devenue rare, l’ardoise étant moins chère. La toiture de Saint-Pierre de Sotteville présentait donc un intérêt particulier, avec cette difficulté que l’édifice n’est pas protégé.

La Sauvegarde de l’Art français a accordé une aide de 7 500 € pour la réfection de la charpente et de la toiture en schiste.

Cette opération a valu à la commune un diplôme d’honneur de la SPPEF (Société pour la protection du paysage et de l’esthétique de la France), remis au Sénat le 28 mars 2007. Tous les travaux ont été filmés [8].

 

Louis Le Roc’h Morgère

 

[1] L. de Pontaumont, « Notes historiques et archéologiques sur les communes de l’arrondissement de Cherbourg », Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 1856, t. 22, p. 210.

[2] On notera, en tous cas, que le saint Michel du vitrail de G. Loire (1946) est surmonté d’une étoile à cinq branches comme l’est la statue de la Vierge à l’abbaye de Montebourg (voir frère Albert-Léonard, L’abbaye Notre-Dame de l’Étoile, 1960, p. 1).

[3] Auguste Longnon, Pouillés de la province de Rouen, Paris, 1904, p. 314.

[4] Pontaumont, op. cit., p. 211.

[5] Cette plaque a été coupée sur son bord droit – ce qui mutile le texte -, assez récemment puisqu’elle a été photographiée complète dans les années 1980 (Archives du Calvados, legs J. Fontaine, 73 Fi, Sotteville).

[6] Matthieu, 16, 19.

[7] Jean, 21, 17. C’est la triple réponse du Christ à saint Pierre qui lui dit « Tu sais bien que je t’aime ».

[8] La Manche libre, mars 2007.

 

Le projet en images

Sotteville (50 église Saint-Pierre, vue nord-ouest (2015)