L’heure est au vote pour nos lycéens ! Après avoir découvert des oeuvres de leur patrimoine local in situ, rencontré élus locaux et professionnels du patrimoine puis travaillé en classe pour s’approprier les oeuvres, les lycéens mobilisés dans la campagne «Le Plus Grand Musée de France» arrivent à la troisième étape du programme : le concours d’éloquence & vote.

Sur les onze classes engagées dans le PGMF en 2023-24, dans toute la France, quatre ont déjà élu « leur » œuvre au mois de mars. À Aix-les-Bains, Bordeaux, Paimpol et Cholet, les lycéens ont présenté les oeuvres sur lesquelles ils ont travaillé, débattu puis voté en présence de tous les partenaires du programme (mécène privé ou public, conservateurs, Sauvegarde) ainsi que des élus de chaque commune en lice. L’occasion pour eux de devenir pleinement acteurs du patrimoine, puisque ce sont leurs présentations, leur force de persuasion et le vote des lycéens seuls qui déterminent le choix de l’oeuvre recevant un don pour sa restauration.

Retour sur ces premières sessions de votes !

Les élèves de Saint-Vincent-de-Paul à Bordeaux remettent le chèque à la commune de Saint-Selve © La Sauvegarde de l’Art Français

À Bordeaux, l’oeuvre donnée perdante remporte le vote

La saison des votes s’est ouverte à Bordeaux, au lycée professionnel Saint-Vincent-de-Paul, avec 15 élèves de Première option Communication visuelle et plurimédia. Depuis la présentation du programme à l’automne 2023, les élèves ont étudié avec leurs professeurs quatre œuvres présélectionnées pour eux par le conservateur d’Antiquités et Objets d’Art de Gironde, Philippe Maffre. Le 15 mars, c’est le grand jour pour les élèves qui se sont mis sur leur 31 : devant tous les élus locaux et partenaires du programme, ils présentent par groupes le fruit de leurs recherches sur chacune des oeuvres. Puis vient le vote : contre toute attente, c’est la Vierge à l’Enfant de Saint-Selve, longtemps perdante dans les sondages, qui est élue ! Cette statue rongée par l’humidité orne un petit oratoire probablement aménagé au XVIIIe siècle, au-dessus d’une source connue pour guérir les yeux – comme nombre de fontaines landaises. Grâce à la générosité de la Fondation Lazard Frères Gestion, un don de 10 000€ sera reversé à la commune de Saint-Selve pour la restauration de la statue.

Deux élèves du lycée Saint-Vincent-de-Paul procèdent au dépouillement
© La Sauvegarde de l’Art Français

À Paimpol, de futures stars du stand-up

Mardi 19 mars, c’est à Paimpol que 30 élèves de Seconde générale du lycée Kerraoul ont pu débattre pour élire leur œuvre favorite. Tous ont su particulièrement bien s’approprier les codes de l’éloquence pour appuyer leurs propos, captant intelligemment l’attention du public à l’aide de questions rhétoriques, d’apostrophes et de touches d’humour. L’occasion de découvrir de vrais talents d’art oratoire, et même pour certains de stand-up ! Le vote est sans appel : les lycéens ont majoritairement jeté leur dévolu sur un magnifique corbillard hippomobile du XIXe siècle, pressenti vainqueur depuis le jour de la visite où ils avaient religieusement écouté le témoignage d’une ancienne du village, racontant ses souvenirs en lien avec l’étonnant véhicule… La Région Bretagne représentée par Fanny Chappé, maire de Paimpol et conseillère régionale, a donc remis un chèque de 10 000 € au maire de Quemper-Guézennec, Gilbert Le Vaillant, qui compte non seulement restaurer le corbillard mais aussi le remettre en fonctionnement.

Sur deux classes bretonnes en partenariat avec la Région, Paimpol était la première à voter : le 15 avril, ce sera au tour des lycéens de René Cassin à Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine).

Un groupe retrace l’histoire romanesque d’un admirable panneau peint de L’Adoration des Mages à Paimpol, sous le regard admiratif de leurs camarades et de journalistes télé © La Sauvegarde de l’Art Français

À Laval, humour, débat et vote serré

En 2023-2024, la Sauvegarde a noué un partenariat fructueux avec la Région Pays de la Loire, qui permet à une classe par département de participer au « Plus Grand Musée de France ». Les votes ligériens ont commencé le 22 mars avec 36 élèves de Seconde générale du lycée privé de l’Immaculée Conception, à Laval. Ils ont tablé sur l’humour pour convaincre leurs camarades, déclarant pour un groupe qu’« une église sans statue, c’est comme un gâteau sans cerise », ou pour un autre : « Notre Psyché ne boit pas de Red Bull, mais elle mérite de retrouver ses ailes ! » Mais c’est surtout la qualité du débat suivant qui a marqué le public : les élèves ont rivalisé d’arguments, arguant par exemple qu’une petite commune avait moins de moyens ou une œuvre non protégée moins de subventions, pour défendre leur œuvre bec et ongles.

Le suspense du vote a culminé lors d’un premier tour ex aequo entre entre le tableau La Résurrection (Saint-Denis-d’Anjou) et le groupe sculpté Sainte Anne et la Vierge (Beaumont-Pied de Bœuf, hameau de Mariette). Un deuxième tour est alors organisé juste entre ces deux œuvres pour les départager… en faveur, finalement, de la sainte Anne, à 18 votes contre 32 ! Un retournement de situation selon la professeure, Julie Cordon, puisque c’était l’oeuvre qui avait visiblement le moins plu le jour de la visite… Autre coup de théâtre : la commune de Beaumont-Pied-de-Boeuf ayant déjà présenté un devis de restauration de 8 000€ pour sa sainte Anne, suivant le règlement du programme il est annoncé que La Résurrection de Saint-Denis-d’Anjou toucherait le reliquat de l’enveloppe de 12 000€ prévue pour le programme. Ce sont donc les élus des deux communes qui se sont vu conjointement remettre le chèque géant par les lycéens, non sans émotion.

Des élèves du lycée de l’Immaculée Conception présentent leur oeuvre : un retable de saint Sébastien dans l’église de Livet (Mayenne) © Julie Cordon

« Une église sans sa statue, c’est comme un gâteau sans cerise »

lycéens de l’immaculée conception, laval (53)

À Aix-les-Bains, des présentations soigneusement mises en scène

Dernier vote de mars : à Aix les Bains, 34 élèves de Seconde générale du lycée Marlioz ont su rivaliser d’inventivité dans la forme pour défendre leurs œuvres, grâce à des mises en scènes de leurs discours savamment orchestrées. Un groupe d’élèves a recréé un format d’interview radio en prenant les rôles du journaliste, du maire de la commune où se trouve leur œuvre (le vrai maire étant présent dans la salle !), et d’un historien de l’art. Un autre groupe a quant à lui joué l’histoire d’un vieil homme profondément attaché à la statue de son église qui, désespéré de la voir se dégrader, implore le maire de la restaurer… lequel refuse faute de moyens. Des démonstrations très ingénieuses qui ont su mettre en avant la complexité des enjeux de conservation-restauration du patrimoine. Au terme d’un vote au coude-à-coude entre deux statues classées MH de Vierge à l’enfant (Conjux et Chanaz, respectivement du XIVe et du XVe siècle), c’est finalement celle de Conjux qui arrive en tête avec deux voix d’avance. L’œuvre recevra un don de 10 000€ du fonds Aix-les-Bains Riviera des Alpes pour sa restauration.

Les élèves d’Aix-les-Bains remettent fièrement le chèque géant à Nathalie Pochat, adjointe au maire de Conjux © La Sauvegarde de l’Art Français