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Saint-Guen (22) - église Sainte-Marie-Madeleine - La Sauvegarde de l'Art Français

Saint-Guen était, avant la Révolution, une trève de Mûr-de-Bretagne, paroisse de l’ancien diocèse de Cornouaille. On peut s’étonner qu’une simple trève se soit donné une église de cette importance, dotée d’un mobilier aussi remarquable : c’est que Saint-Guen a connu une période de grande richesse au XVIe et au XVIIe s., avec le développement de l’industrie de la toile de lin, dans ce que l’on appelait alors la « manufacture » des « Bretagnes » (nom des toiles produites dans la région s’étendant de Saint-Brieuc à Pontivy) ; la fabrication et la vente de ces toiles a été à l’origine d’une activité économique lucrative pour les tisserands et marchands de toile, comme en témoignent les maisons anciennes qu’ils construisirent à Saint-Guen : celles qui subsistent montrent une opulence certaine. Comme dans bien d’autres paroisses et trèves bretonnes, cette fortune a rejailli sur le budget de la fabrique, permettant d’édifier une église ou une chapelle richement décorée.

L’Église Sainte-Marie-Madeleine, dans le bourg, était à l’origine dédiée à saint Guen, qui a sa statue dans l’église et est identifié – peut-être à tort – au saint gallois Gwynn, honoré à Llanpumsaint (Carmarthenshire). Le culte de saint Guen se retrouve plus au sud, dans le Morbihan : une église à Vannes, une chapelle à Saint-Tugdual, une autre à Saint-Barthélemy lui sont dédiées. Il est aussi l’éponyme de Saint-Pierre-de-Plesguen (Ille-et-Vilaine) et de Pleuven (Finistère).

Le site a évolué au cours des temps : il y eut jadis un cimetière autour de l’église puisqu’un petit ossuaire d’attache a été conservé dans l’angle formé par la nef et le bras sud du transept. Le plan de l’église, en forme de croix latine, comporte un large transept, séparé de la nef par deux arcades : l’originalité vient du fait que les toits de ces deux bras du transept ont des toits parallèles – et non perpendiculaires – à celui de la nef. Le clocher, à l’ouest de la nef, de plan carré, est surmonté d’une toiture en ardoises ; le côté ouest présente trois ouvertures superposées : le porche, de style classique, une baie avec vitrail, une niche destinée à abriter une statue.

La construction de l’ensemble, bien datée, s’étale sur le XVIIe et le XVIIIe s. : le chœur et la nef ont été élevés en 1610-1611, la tour en 1707, et la sacristie, tout à fait à l’est de l’édifice, en 1777. Le matériau utilisé est toujours le même : moellons de schiste équarris, de teinte ocre pour les élévations, granit pour les entourages des baies et les chaînes d’angle. Un petit campanile surmonte la toiture à l’est de l’édifice. La totalité de la couverture est en ardoise.

Le mobilier frappe par son abondance et sa qualité. Les quatre autels à retables en bois très décorés qui garnissent le chevet, les murs est des bras du transept et la chapelle des fonts sont attribués à Yves Corlay (le père [fin XVIIe s.-début XVIIIe s.] ou le fils [1700-1776] ?), sculpteurs trégorrois qui ont laissé de nombreuses œuvres dans les anciens diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier. Le retable du chevet est orné de quatre statues : un Christ de la Résurrection au centre, sainte Marie-Madeleine à gauche et saint Lubin, évêque, à droite ; la statue de saint Guen est placée dans une niche tout en haut du retable. Le retable du bras nord du transept présente au centre un tableau peint de Marie-Madeleine en prière, avec à gauche une statue de sainte non identifiée, et à droite une statue de sainte Barbe. Le retable du bras sud du transept porte les statues de saint Louis à gauche et de saint Mathurin à droite, entourant un tableau central représentant la Donation du Rosaire ; trois statuettes (saint Yves, sainte Marie-Madeleine [?] et un saint ange) complètent l’ensemble ; en bas, à droite de l’autel, une inscription indique l’emplacement du tombeau de Catherine Daniélou, mystique et visionnaire d’origine quimpéroise (vers 1619-1687), protégée de Julien Maunoir, jésuite qui donna plusieurs missions à Saint-Guen au XVIIe siècle. Enfin, un quatrième retable est logé dans la chapelle des fonts : au centre, un tableau du Baptême du Christ, et de chaque côté des statues de saint Jean l’Évangéliste et de sainte Catherine.

Plusieurs autres éléments du mobilier retiennent l’attention, notamment des statues anciennes : une sainte Anne trinitaire, une Vierge à l’Enfant (la Vierge tenant trois pommes de pin dans la main gauche), un saint évêque bénissant (saint Pabu ?), un saint en vêtements sacerdotaux, tête nue, portant un livre, un moine portant un livre et s’appuyant sur une masse (ou une bêche ?), un calvaire en bois (Christ en croix, la Vierge et saint Jean sur un croisillon, une pietà au pied de l’ensemble) ; les lambris du transept ornés d’un élégant décor peint (médaillons avec portraits, guirlandes, hermines) ; deux confessionnaux avec moulures et porte ajourée.

L’ensemble de l’édifice (extérieur et intérieur) est en excellent état. La dernière restauration, en 2016, a porté sur la couverture. La Sauvegarde de l’Art français y a contribué pour une somme de 8 000 €.

Tanguy Daniel

 

Bibliographie :

R. Couffon, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Saint- Brieuc, 1940, p. 478-479.

B. Tanguy, Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes-d’Armor, Douarnenez, 1992, p. 288.

Le patrimoine des communes des Côtes-d’Armor, Charenton-le-Pont, 1998, t. II, p. 771-773.

Le projet en images

Saint-Guen (22) - église Sainte-Marie-Madeleine - La Sauvegarde de l'Art Français

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