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La Vernosa, l’aulnaie en occitan, est, comme son nom l’indique, un site de bord de rivière, ici la Louge, sur la route qui va de Toulouse à Saint-Bertrand-de-Comminges (Lavernose et Lacasse sont deux communes voisines qui ont fusionné en 1964). Nous sommes dans l’ancien diocèse de Comminges, dont l’évêque Roger de Noé vint consacrer en 1136 l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, qui est encore, en partie, celle que nous pouvons voir aujourd’hui. Belle église romane de plan basilical, elle faisait partie d’un prieuré, dont le pape Clément V – le bordelais Bertrand de Got – disposa en 1313 pour doter conjointement les collégiales d’Uzeste et de Villandraut, ses fondations. En 1259, le prieur de Lavernose et le comte de Comminges avaient créé par paréage la bastide du même nom, à l’origine de l’agglomération actuelle (les deux rues parallèles du centre du village, à l’extrémité desquelles se trouve l’église).

Le prieuré de Lavernose devait être bien doté à sa fondation, puisqu’il bâtit une église romane à trois nefs et trois absides, voûtée et décorée d’un important programme de chapiteaux sculptés. Cependant, l’église a souffert, à une époque ancienne qu’il est difficile de préciser, peut-être à l’époque des guerres de Religion, de graves dommages, notamment la disparition de son voûtement et l’écroulement du clocher. C’est une restauration de la fin du XIXe s. qui lui a procuré sa physionomie actuelle.

L’édifice roman, donc, comporte trois nefs parallèles, terminées par trois absides voûtées en cul-de-four, sans transept. Il a dû être édifié assez lentement, car on remarque un changement de parti à la hauteur de la troisième travée : à l’est, ce sont des piles carrées cantonnées de demi-colonnes ; à l’ouest, ce sont de massives piles cruciformes (celles de la première travée sont une reconstruction du XVIIIe s., liée à la confortation du clocher) ; ce pourrait tout aussi bien être la trace d’un agrandissement de l’édifice au XIIIe s., un doublement vers l’ouest qui pourrait s’accorder avec le peuplement de la bastide fondée en 1259. L’édifice était à l’origine voûté en berceau pour la nef centrale, et en demi-berceau sur les bas-côtés. Les demi-colonnes plaquées sur les piles de la partie orientale portent des chapiteaux sculptés, certains historiés. Une décoration du même type se retrouve dans les absides, à des chapiteaux soutenant une arcature plaquée à l’intérieur. Beaucoup de ces chapiteaux ont été refaits au XIXe siècle. Parmi les anciens, on observe des chapiteaux librement inspirés du corinthien, à plusieurs rangs de feuillage. Deux sont d’une iconographie plus savante, quoique imprécise : selon Victor Allègre, une scène de baptême ou de bénédiction ( ?), un autre chapiteau mettant en scène un voyageur et un quadrupède (âne). On a du mal à voir dans ces modestes réalisations l’écho des grands chantiers toulousains du XIIe siècle.

La façade montre les matériaux dont est bâtie l’église : ce sont des moellons d’une sorte de molasse ocre, qui s’érode fortement sous l’action des intempéries. Dans les parties basses, ces moellons assez bien équarris alternent par lits réguliers avec des briques, dans ce qui peut être un jeu décoratif. La façade enseigne également les heurs et malheurs du clocher, qui fut une tour carrée, peut-être imprudemment juchée sur la première travée de la nef, et dont l’effondrement à une époque non précisée laisse voir les traces dans les maçonneries du côté nord. Reconstruit, il a gardé la partie basse de son élévation primitive sur la façade, scandée de pilastres qui montent du massif en léger avant-corps où s’ouvre le portail. Les deux étages de la tour (un du XVIIe et un du XVIIIe siècle ?) sont bâtis en briques, avec des remplois de moellons. La partie sommitale est amortie d’un fronton épointé sommé d’un petit campanile en fer forgé, qui donne sa silhouette à l’édifice. On remarquera que le portail, en plein cintre, à trois voussures, est dépourvu de tout décor (indice supplémentaire d’une différence de parti et de moyens entre la construction de l’est et l’ouest de l’église ?). Deux portes, aujourd’hui murées, donnaient accès à l’église au nord et au sud. Elles sont surmontées de plaques carrées portant un chrisme gravé.

Les visites pastorales de l’époque moderne décrivent une église sans voûtes, dont la toiture rabaissée est, comme aujourd’hui, à deux versants simples, couvrant globalement les trois nefs. On imagine donc sans peine les ambitions restauratrices qui furent celles de la fin du XIXe s., aiguillonnées, peut-être, par le chantier de Saint-Sernin de Toulouse que menait Viollet-le-Duc qui se voulait exemplaire. Pour l’instant, on dispose d’assez peu de renseignements sur cette campagne (v. 1886 semble-t-il) ; une maquette, conservée dans la sacristie, témoigne d’un projet plus ambitieux que celui qui fut réalisé. Mais, à l’inverse de Saint-Sernin où le travail sur l’articulation du volume architectural et la silhouette de l’édifice est prépondérant, la toiture couvrant les trois vaisseaux est conservée ici et les voûtes sont rétablies pour restituer l’espace intérieur avec une maçonnerie mince de briques ; les bas-côtés sont voûtés d’arêtes, et non de demi-berceaux dont la trace subsiste cependant. En outre, tout un programme décoratif prend place, sculptures, peintures murales, vitraux ; la conque de l’abside s’orne d’une maiestas Domini, sur fond d’or. Le plus surprenant est la construction au chevet, qu’elle masque en partie, d’une sacristie en forme de rotonde flanquée de deux sortes d’absidioles : c’est un peu comme si le chevet roman avait « bourgeonné », et c’est une réalisation paradoxale dans un contexte où l’on a, à cette époque, le plus souvent libéré ou dégagé les parties significatives des constructions médiévales.

L’espace restreint de cette courte notice ne permet pas d’entrer dans les détails du décor peint du XIXe s., qui a multiplié les toiles marouflées sur les murs (grandes figures de saints en pied), ni les vitraux, nombreux, la plupart sortis de l’atelier toulousain de Victor Gesta (actif de 1850 à 1894), ou de celui de Rigaud.

Dans le cadre d’une restauration générale de l’extérieur, assainissement, façades, et travaux divers, dirigée par Mme Anne Bossoutrot, architecte, la Sauvegarde de l’Art français a versé 14 000 € en 2006.

Olivier Poisson

 

Bibliographie :

Étude préalable par A. Bossoutrot, architecte du patrimoine, 2003.

 

 

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