Lettre ouverte de Mme Catherine de Vos, correspondante de la Sauvegarde de l’Art Français dans la Manche.

 

Vue de lVue de l’église Saint-Paul de Granville © Mattana

Monsieur le Président,

Je tiens à vous faire partager mon indignation et la honte que j’éprouve quant aux décisions prises par l’Évêché, la DRAC et les élus successifs de Granville concernant l’église Saint-Paul.

Depuis la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, la plupart des églises sont devenues propriété des municipalités. Ainsi la ville de Granville est devenue propriétaire de 3 églises, l’église Notre-Dame, l’église Saint-Paul et l’église Saint-Nicolas.

L’église Saint-Paul, domine l’anse de Hérel et est le témoin de la seconde ère de la gloire maritime de Granville, celle de la fin du XIXème siècle et du tout début du XXème s., période où culmine la « grande-pêche » à la morue de Terre Neuve. L’église Saint-Paul, dressée sur son parvis, face au port, visible de toute la ville, témoin de son histoire est un symbole incontesté du paysage granvillais et des Granvillais.

Le style éclectique « romano-byzantin » fut choisi pour la nouvelle église financée par la bourgeoisie des armateurs granvillais enrichis dans les affaires du « grand métier » de Terre Neuve. Le port de Granville, comme le port de Marseille, a érigé à la fin du XIXème s. une église votive, amer remarquable visible de loin permettant de fixer le cap.

De nombreux noms célèbres sont liés à la construction de l’église Saint Paul : Monsieur Abadie, architecte du Sacré-Coeur de Paris, Monsieur Héneux, architecte, l’ébéniste Augier de Vitré pour la chaire, Félix Gaudin, maître-verrier à Paris, pour les premiers vitraux, Rocher de Gérigné pour les mosaïques de la Nef, Lorin de Chartres maître-verrier pour les vitraux en dalle de verre montés sur ciment, Maumejean pour d’autres vitraux.

L’église Saint-Paul, dont la construction fut longue et difficile, a subi pendant les tempêtes de 1987 et 1999 de gros dégâts et fut définitivement fermée. De 1999 à 2015 nous avons pu assister à de nombreuses gesticulations municipales et le sort de l’église finit par tomber dans les mains de la maire actuelle.

Bien décidée à s’en débarrasser, elle prit le chemin des maires, qui ne veulent plus avoir la charge de ces bâtiments « pas comme les autres », dorénavant classique : désacralisation, dispersion du mobilier et des reliques, mise en vente en agences immobilières et pour l’église Saint-Paul, exhumation de la dépouille du Chanoine Pinel avec l’accord de l’évêché.

C’est un moment que je n’oublierai jamais. Il faisait gris et ce fut dans la brume que le « non événement » eut lieu. Une dizaine de personnes étaient présentes. L’absence de Mme le maire fut remarquée. Le Chanoine Pinel repose dorénavant dans un coin du cimetière Saint Paul, dans une tombe banale que l’on remarque à peine…

Personnage connu du département de la Manche, il fut en charge de veiller à la reconstruction des églises après guerre. Ses qualités de prêtre, d’homme de prière, s’alliaient au lettré et à l’amateur d’art. En 1939, il se vit confier la paroisse de Saint-Paul, c’est d’ailleurs à Saint-Paul qu’il a souhaité reposer.

Depuis 2018, la municipalité de Granville fait sa communication sur l’utilisation d’un bail emphytéotique afin que la ville reste propriétaire du bâtiment. Et puis, soudain, en toute fin de mandat, la presse annonce la reprise de l’église par une Fondation espagnole et la signature d’une lettre d’intention. Par sa lecture nous apprenons que le bail emphytéotique est accompagné d’une « option d’achat » après 3 ans de travaux. Pourquoi cette omission constante dans la communication municipale ? Quels sont les travaux ? Quelles sont les garanties financières ?

17 ans d’abandon pour en arriver là ! L’église Saint-Paul, lieu historique, ne mérite pas un tel traitement qui insulte les donateurs et la mémoire des Granvillais.

Que cet exemple déplorable serve à tous les acteurs du patrimoine religieux afin que cela ne se reproduise plus sur notre territoire.