Le 29 juin 1921 avait lieu la première réunion de la Sauvegarde de l’Art Français. Après plusieurs années à s’émouvoir dans la presse du démantèlement des monuments et à lutter pour leur protection, Édouard Mortier concrétise son projet de créer une société dédiée à sensibiliser à la protection du patrimoine.

La vache d’Alan, sculpture qui orne la porte du Palais Épiscopal, Alan (31). © Romain Bassenne

 

Des combats fondateurs

Depuis plusieurs années, le duc de Trévise s’engage contre la vente et l’export des trésors du patrimoine français. Il expose l’origine de ces combats dans une tribune parue en 1922 dans La Revue de l’Art Ancien et Moderne :

« Voici comment s’est imposée à nous la nécessité de secourir nos monuments. C’était en 1920, en novembre. Quelques amis et moi, nous circulions autour de Toulouse. Nous avions vu Alan, la résidence épiscopale et papale du XVe siècle, vendue avec sa porte surprenante, sa tour et sa balustrade, pour 3 500 francs, à un antiquaire et sauvée à grand peine par la résistance armée des paysans, par les cris de la presse, par l’intervention des Beaux-Arts ; nous avions vu Flaran, l’abbaye romane, dont le cloître, sur le point d’être brocanté pour 11 000 francs, avait été même étayé pour permettre son sinistre départ ; nous regardions Saint-Martory et ses arcatures du XIIe siècle, que le maire défendait péniblement, depuis neuf ans, contre l’acquéreur qui se les était procurées pour 10 000 francs, et comptait les exporter… Depuis lors, presque chaque jour, nous avons été avertis d’un danger nouveau : ainsi, même dans les contrées épargnées par la guerre, les Français ne sont pas certains de conserver les aspects les plus vénérables, les fragments essentiels de nos villes et de nos bourgs !  Il ne suffisait pas que nos édifices fussent menacés par les changements du goût, par les alignements, ou succombassent à leur vétusté ; ils sont maintenant convoités par l’étranger. Étiquetés et démontés pierre à pierre, vendus sur photographie, ils quittent les contrées dont ils sont l’âme : ce commerce est monstrueux mais légale. Le Service des Monuments historiques, grevé de charges écrasantes dès qu’il classe quoi que ce soit, fait pourtant merveille, dirigé par le savant le plus accessible et le plus ingénieux ; mais, devant l’étendue du mal, il incite toutes les bonnes volontés à l’aider : allions-nous lui refuser la nôtre ? » Édouard Mortier, duc de Trévise « Tribune pour la Sauvegarde de l’Art Français ».

Ce texte écrit quelques mois après la création de l’association révèle les préoccupations premières de la toute jeune organisation : soutenir les maires contre les ravages de l’elginisme.

Salle capitulaire de l’abbaye de Flaran (Gers).

La création du « Comité central pour la défense de l’art français ancien »

Avant cette séance inaugurale de juin 1921, Édouard Mortier réunit autour de lui un groupe d’experts et de scientifiques comprenant des conservateurs et directeurs de musée, des historiens d’art et des architectes. Il créé également un comité d’honneur qui aura lui un rôle de relations publiques et de promotion de la future association.

Le comité d’honneur de la Sauvegarde, placé sous la présidence du Maréchal Foch.

Le 29 juin 1921, ces personnalités et experts se réunissent chez le duc de Trévise et définissent un programme d’action pour soutenir des restaurations, apporter un soutien aux musées et également pour communiquer autour de la création de la Sauvegarde. C’est le projet de l’exposition des Maréchaux, que nous avons présenté dans cet article.