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Chapelle funéraire de l’Exaltation-de-la-Sainte-Croix. Située dans le cimetière qui borde l’église paroissiale sur son flanc nord, la chapelle funéraire élevée en 1526 à la demande de Jean III Le Cosquyno, procureur du roi et receveur de ses finances, mériterait assurément son classement parmi les monuments historiques. Cet édifice de grande qualité architecturale, parfaitement homogène, témoigne tout à la fois des derniers feux du style flamboyant et de la première « Renaissance » en Bourgogne. En outre, le monument est remarquablement bien documenté par les nombreuses inscriptions en lettres gothiques gravées sur une dalle scellée dans le mur sud, à l’intérieur, ou qui courent extérieurement en frises superposées sur la façade occidentale. À cela, il convient d’ajouter trois documents graphiques exceptionnels, qui ont été réalisés par Laurent Laigneau, maître-peintre à Ancy-le-Franc. Rehaussés de couleurs afin de mettre en évidence les éléments héraldiques, ces dessins – qui ne sont plus connus que par des photographies – accompagnaient un procès-verbal dressé le 4 février 1664, afin d’établir les preuves de noblesse d’un des descendants du fondateur, Jean VII. Précisons que les sources écrites concernant cette chapelle ont été partiellement exploitées par deux érudits de la fin du XIXe s., Maximilien Quantin et Jules Veuillot, alors que ces documents étaient encore en possession d’un descendant de la famille Le Cosquyno.

La première mention connue des Le Cosquyno, seigneurs de Fulvy, près d’Ancy-le-Franc, remonte à 1420, à l’occasion de la succession de Lancelot, écuyer, qui laisse pour héritiers son frère Jean, également écuyer, et sa sœur Adrianne. C’est le petit-fils de ce Jean 1er, Jean III, qui fit construire la chapelle funéraire. Une des inscriptions de la façade précise que l’édifice fut élevé en 1526. À l’intérieur, encastrée dans le mur sud, une plaque de fondation indique que Jean Le Cosquyno, seigneur de Fulvy et procureur du roi, avait fait élever cette chapelle en l’honneur de l’exaltation de la Sainte Croix afin d’accueillir les sépultures de son père Jean, écuyer et seigneur de Fulvy, mort en 1518, de sa mère, Odette, de sa femme, Jeanne, de ses neveux, ainsi que la sienne. On ajouta à la suite du texte la date de son décès, au mois de juin 1530. Cette plaque est flanquée de deux anges peints, de style Renaissance, partiellement conservés mais bien visibles sur l’un des dessins de 1664.

Les relevés de 1664 représentent la façade et offrent deux vues intérieures : la voûte et le mur méridional, sur lesquels figure, entre autres, le décor peint primitif, avant que celui-ci ne soit recouvert d’un badigeon blanc. Ce dernier étant partiellement tombé, là où les parois ne sont pas mises à nu apparaissent des plages plus ou moins importantes et plus ou moins bien conservées de ce décor polychrome ; ce qui permet, en outre, d’estimer la grande fidélité des dessins de 1664. Certaines de ces modifications pourraient dater de la restauration de la chapelle en 1744 par les frères Nicolas et Jean Le Cosquyno. Nicolas fut le dernier descendant masculin à porter nom. Il avait épousé Jeanne-Étiennette de Pampelune de Genouilly et, par un acte du 4 mars 1756, il céda, entre autres, les droits sur la chapelle à ses beau-frère et belle-sœur, Étienne-Denis de Pampelune, gouverneur de Vézelay, et Philiberte-Antoinette de Pampelune. À sa mort en 1760, son corps fut déposé dans la chapelle. Les dernières personnes à reposer là sont Jeanne-Étiennette de Pampelune, veuve de Nicolas, et son époux en secondes noces, Mammès Chatat, décédé en 1806.

Le parti de ce petit édifice correspond parfaitement à sa fonction de chapelle funéraire : un volume unique de plan rectangulaire (7,75 m x 5,60 m), légèrement surélevé au-dessus d’un soubassement qui permet de rattraper la déclivité du terrain. Selon un procédé fréquent dans le gothique flamboyant, le monument fait largement appel à la pierre de grand appareil, réservée ici aux contreforts et aux éléments sculptés ainsi qu’à la modénature. Selon une habitude plus locale, le reste des parois est construit en petits moellons éclatés recouverts par un enduit. Afin d’offrir des jeux d’ombre et de lumière, le grand appareil des murs et des contreforts a été traité avec une « broche », un peu à la manière d’une taille rustique, alors que les parties destinées à la sculpture ou à la modénature présentent une face de parement impeccablement ravalée. Par bien des aspects, le monument appartient encore au gothique flamboyant. Il est couvert d’une unique voûte d’ogives à liernes et à tiercerons, au profil prismatique ; de même, les moulures d’ébrasement et le réseau de la baie sud (en partie détruit) appartiennent encore au gothique tardif. À ces éléments s’ajoutent les contreforts d’angle disposés de biais et dont les larmiers se prolongent en une moulure filant avec les cordons de la façade.

Cette façade est, elle, tout à fait représentative de la première Renaissance, notamment par son répertoire ornemental sculpté, comparable à celui qui est en usage dans la vallée de la Loire ou en Normandie depuis les premières décennies du XVIe siècle. Le portail est encadré de pilastres, avec un décor de rinceaux, de Victoires et, au sommet, un coq renvoie au nom du fondateur. Le linteau est flanqué de fleurs de lys, alors qu’au centre une créature hybride – un corps humain se terminant en une gaine végétale – porte un écu aux armes de ce dernier (d’azur au coq tourné à senestre accompagné de deux étoiles d’or en chef et d’un croissant d’argent en pointe), originellement peint, ainsi que le montre l’un des dessins de 1664. L’ensemble est surmonté d’une niche à coquille encadrée de balustres ; à l’intérieur, sous la baie du mur sud, se trouve une niche-lavabo également en forme de coquille ; elle est flanquée de petits pilastres portant des coqs. Le dessin du XVIIe s. représente la porte pourvue de sa menuiserie d’origine avec, à la base, des panneaux moulurés et, au-dessus, une claire-voie à balustres tournées ; l’entrée était alors précédée d’un bel escalier pyramidal à pans. Une croix (représentée sur le document de Laigneau) couronnait le fronton de la façade, alors que celui du chevet portait, semble-t-il, une statue de saint Michel.

Quant au décor héraldique peint à l’intérieur, il peut être restitué, comme nous l’avons dit précédemment, grâce au procès-verbal du 11 avril 1664 – du moins tel que nous le connaissons au travers des quelques citations de Quantin dans sa publication de 1887 – et, plus encore, par l’intermédiaire des dessins de Laurent Laigneau. Sur la base des murs régnaient, sur fond d’azur, un semis de fleurs de lys d’or, de même que quatre écus armoriés. On trouvait encore les armes de France, portées par deux anges et entourées du vers suivant : Regibus in coelis data sunt insignia Gallis, avec au-dessous une salamandre. La clé pendante de la voûte, tenue par deux porte-écus, est sculptée en forme de blason, aux armes et aux couleurs du fondateur ; ce blason est timbré d’un cimier. Ces couleurs, or et azur, sont reprises sur les nervures d’ogives et les clés secondaires, de même qu’un semis doré d’étoiles et de coqs tapisse les voûtains.

Le manque d’entretien pendant de nombreuses années a entraîné une série de dégradations. Aussi, la chapelle nécessite-t-elle une restauration pour assurer la conservation de ses structures et de son décor peint d’origine, probablement conservé en grande partie sous le badigeon. Pour les travaux d’urgence de maçonnerie et de drainage, la Sauvegarde de l’Art français a versé un don de 20 000 euros en 2012.

Philippe Plagnieux

 

Bibliographie :

M. Quantin, Les Le Cosquyno, seigneurs de Fulvy, et leur chapelle funéraire au cimetière d’Ancy-le-Franc, Auxerre, 1887.

J. Veuillot, « Fulvy. Les Le Cosquyno, notes et documents », Annuaire historique du département de l’Yonne, 63e année, 1899, 3e partie, p. 61-108.

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