• Supprimer
  • Supprimer
  • Supprimer

La vallée de l’Ady sépare deux buttes calcaires, l’une du château de Panat et l’autre de Cassagnes-Comtaux, jadis Cassagnes de Panadès (terre de Panat). Les coseigneurs de ces lieux figurent dans un acte en 1060 comme auteurs de la refondation du petit monastère de Clairvaux, situé entre eux, au fond de la vallée. Et ils créent à son côté une sauveté, qui sera sous leur protection. En 1238, le comte d’Armagnac et de Rodez remplace le sire de Panat comme seigneur dominant du Panadès et de Cassagnes, d’où le nom de Cassagnes-Comtaux. Les comtes, puis leurs successeurs, à partir de 1481, ne paraissent pas avoir porté un intérêt particulier à cette petite seigneurie, où ils tiennent cependant un capitaine ; et leur château, le Castel-vielh, finira par tomber en ruine et disparaître. Du XIIIe au XVe s., on compte, sous leur autorité, au moins cinq familles de coseigneurs vassaux, à savoir les Saint-Félix, les Balaguier, les Cardaillac, les Mancip et les Murat de Lestang. Ils ont leurs demeures autour du rocher du château comtal. Les deux plus proches sont, au-dessus, la « fortalisse » de Saint-Félix, qui passe en 1512 des Saint-Félix aux Hébrard, qui relèveront le nom de Saint-Félix, et, au-dessous, le château de Flars, résidence des Mancip, puis des Cassagnes-Beaufort. Les autres coseigneurs possèdent quelques repaires dans les environs (Le Noguier, Lestang, Les Herms…). Malgré la pente, parfois abrupte, une cinquantaine de maisons ou de caves viticoles s’accrochent encore en 1826 autour du rocher (plan cadastral). On reconnaît ou devine les caves à leurs soupiraux verticaux, qui ressemblent à des meurtrières. L’une d’elles dite le Capitoul tenait son nom du chapitre de la cathédrale de Rodez, qui nommait le prieur de Cassagnes. Aujourd’hui, les constructions, encore pourvues d’un toit, ne sont plus qu’une quinzaine, émergeant d’un fouillis de ruines et de végétation sauvage. Les vignes occupent toujours les pentes voisines.

L’église est citée en 1238. Elle est dédiée à saint Vincent diacre, comme plusieurs églises ou chapelles qui dépendaient de l’évêque de Rodez et du chapitre (Rodez dès le VIe s., Muret, Palmas, Lugan de Quins…). D’abord église matrice, elle devient annexe de Goutrens, sur le causse, et elle est alors régie par un vicaire, faisant office de pro-curé. Chapelle castrale, elle s’appuie au nord contre le rocher du Castel-vielh. Sa position en hauteur, sur un palier étroit, la met en valeur. Malgré le peu de place disponible, elle est orientée, mais une déviation dans la partie gauche du chœur donne l’impression qu’elle est tournée vers le sud-est. Le mur gouttereau de la nef, au sud, côté vallée, épais et rectiligne, la travée rectangulaire, qui vient après le chœur, le clocher trapu qui la surmonte, avec sa tourelle d’accès, et la chapelle de droite, avec sa baie gothique à remplage, sont tout ce qui reste d’une reconstruction cohérente, datable du XIVe ou du tout début du XVe siècle.

Le chœur, prévu pentagonal, a été déformé du côté nord, dès sa construction en 1539. Le chapitre de la cathédrale avait décidé de refaire la voûte avec « ung crosier à six branches » d’ogives. Le maçon paraît s’être heurté à la base au rocher comtal ou, peut-être, à un mur antérieur, épais, qu’il ne pouvait remplacer, sans mettre le reste de l’édifice en péril. Aussi, renonçant à faire un angle, il mit bout à bout, presque en droite ligne, les deux premiers côtés du pentagone. Il fallut alors, pour renforcer la voûte, ajouter une septième nervure prenant appui sur l’arc triomphal lui-même. La clef de voûte porte des armoiries, aux 1 et 4 à deux bandes et au 2 et 3 d’azur au lion d’or, qui sont celles de la famille de Bar de Meauzac, cousins des Cardaillac (testament de Pierre de Bar, 1530). La raison de ce choix est inconnue. Le commanditaire était pourtant le chapitre.

Deux chapelles s’ouvrent de part et d’autre et dessinent un semblant de transept. Elles existaient au début du XVe s. et étaient dédiées, l’une à saint Michel (probablement l’ancienne chapelle comtale, côté Évangile) et l’autre à saint Jacques (côté Épitre). Par son testament du 10 avril 1427, Aymeric Gausserand, chanoine de la cathédrale, lègue deux écus d’or pour mettre un supracelum (surciel) dans la première, sur le modèle de celui qui existait déjà dans la seconde. Il charge les ouvriers de l’église de la réalisation. Le patronage des deux chapelles latérales aurait changé dès le XVIe siècle.

La chapelle nord, en position malcommode à cause du rocher comtal, fut modifiée à plusieurs reprises. En 1554, Hugues d’Hébrard de Saint-Félix, coseigneur de Cassagnes, demande, dans son testament, d’être enterré dans l’église et de construire une chapelle qui serait dédiée à la Passion de Notre-Seigneur. Elle semble avoir remplacé la chapelle Saint-Michel. En 1669, elle passe sous le patronage de Notre-Dame de Pitié. En 1741, M. de Saint-Félix y fait faire un retable. Elle portera au XVe s. le seul nom de Notre-Dame et les prêtres originaires de la paroisse l’auront en particulière affection (statues de la Vierge de La Salette et des deux bergers données par l’abbé Laurens, en 1872). D’après l’état des lieux dressé en 1890 par l’architecte Andrieu, cette chapelle, qui est adossée à l’écurie du presbytère, ne peut recevoir un peu de jour que par une étroite fenêtre à l’ouest. On abattra alors l’écurie et on élargira la chapelle, avec une baie désormais ouverte au nord.

Le cas de la chapelle de Saint-Jacques, au sud, est aussi intéressant. Le patronage passe à sainte Anne, probablement vers la fin du Moyen Age. En effet, lors de la peste de 1483, la population des environs (Rodez, Marcillac, Panat…) se tourne vers la mère de la Vierge. Ainsi, à Panat, la population constitue, cette année-là, une confrérie de sainte Anne et elle commandera plus tard une statue. La chapelle appartient aux Mancip de Flars, puis à leurs héritiers, les Cassagnes-Beaufort, marquis de Miramont (XVIe-XVIIe s.) et, en 1741, à Jean-François du Cros de Bérail, seigneur de Planèzes. Il y avait là un retable de pierre et une statue de sainte Anne (aujourd’hui disparus).

Une troisième chapelle se trouve, côté sud, après la tourelle d’escalier du clocher. Elle est dédiée à saint Jean (Baptiste) et appartient en 1669 à un certain Bousquet, notaire du lieu. Sa famille la possède encore en 1741. Elle est si étroite qu’il n’y a pas d’espace entre le célébrant, chargé de dire les messes anniversaires de la fondation, et ceux qui y assistent, ce que les évêques désapprouvent. On l’appelle, au XIXe s., la chapelle de Mazars, du nom des successeurs des Bousquet, mais elle ne sert plus. Les évêques successifs demandent d’y installer les fonts baptismaux pour libérer un peu de place au fond de l’église, ce qui, faute de moyens financiers, ne sera réalisé qu’en 1860. La statue de saint Jean est alors installée dans le retable du maître-autel.

Au début du XIXe s., les travaux ont souvent été financés par des bienfaiteurs privés et, parmi eux, par des prêtres originaires de la paroisse, comme l’abbé Vincent Belmon, vicaire général du diocèse et curé de la cathédrale de Rodez. Vers 1830, on reconstruit le presbytère dans le petit espace compris entre le rocher comtal, le chevet de l’église et le cimetière ; on réaménage la nef en 1837, une tribune en 1838 ; on élargit par un plancher le couloir entre le chœur et le presbytère pour en faire une sacristie ; on refait, vers 1890-1892, la chapelle et le mur nord de la nef et on crée, en abattant une partie du rocher, un nouvel accès au presbytère, lequel a comme originalité de passer au-dessous de la chapelle et de la sacristie ! Le précédent accès se faisait par un passage couvert sous une grange, ce qui était pire. Le grand souci des curés est de dégager l’église et le presbytère des maisons, granges, écuries qui constituent un environnement encombrant.

La façade occidentale de l’église, butant contre le rocher, était moins large que la travée du clocher ; aussi, pour rejoindre cette dernière, le mur nord allait de biais par rapport au mur sud, ce qui donnait à la nef un plan légèrement trapézoïdal et empêchait la construction d’une voûte au-dessus. En 1882, l’architecte départemental Vanginot écrit à son sujet : « Cet édifice très irrégulier et d’un aspect par trop misérable ne présente pas dans plusieurs de ses parties toutes les garanties de solidité désirables… Les piliers et les arceaux qui supportent le clocher semblent céder sous le poids de celui-ci. On y remarque des lézardes et des cassures ». Il note l’irrégularité de la nef dont les murs latéraux ne sont point parallèles. Pour soulager la voûte qui est sous le clocher, il veut reconstruire celui-ci sur la façade ; et envisage de le doter d’une flèche, peu conforme au style du pays (1882). Son successeur, l’architecte A. Andrieu est moins ambitieux et plus réaliste : il renonce fort heureusement à la reconstruction du clocher. On refait, outre la chapelle nord, déjà vue, la façade ouest avec une porte en accolade et une rosace, et le mur nord pour qu’il soit enfin parallèle à l’autre. On divise la nef en deux travées égales, séparées par un arc doubleau, porté par deux consoles… Celle de droite devrait se trouver, géométriquement, au-dessus de l’entrée de la petite chapelle des fonts baptismaux, qu’il envisage de supprimer. Mais, on a si longtemps espéré l’aménagement de cette dernière que l’on décide de la conserver ; et l’on mettra un pilier au beau milieu de l’arc, ce qui est du plus curieux effet ! Les lambris du plafond sont remplacés par deux croisées d’ogives et les voûtes constituées avec des briques creuses de la tuilerie locale de Firmi (Aveyron).

Le mobilier est réduit. Le retable du maître-autel a été réalisé au XIXe s. grâce à la participation financière d’Antoine Malac (inscription) et avec intégration d’éléments plus anciens. Il est orné des trois statues en bois doré de la Vierge (sur le tabernacle), de saint Jean-Baptiste et de saint Vincent diacre. Celui-ci ayant été peut-être mal identifié, sous sa dorure, on a placé au milieu de la nef une version sulpicienne du même saint protecteur des vignes et des vignerons, avec pour attribut une grappe de raisin. On trouve deux tableaux, datés de 1851, du peintre de Rodez, Jean-Baptiste Delmas, l’un au maître-autel (Ascension de Notre-Seigneur) et l’autre dans la chapelle Sainte-Anne (Sainte Anne et la Vierge). Une peinture murale assez dégradée (XIXs. ?) figure le Christ au Jardin des Oliviers et pourrait être un rappel de la fondation que fit Hugues d’Hébrard de Saint-Félix en l’honneur de la Passion (1554). Le clocher renferme trois cloches, fondues en 1826 (Notre-Dame et saint Vincent), 1836 (Saint Vincent, portant cette inscription insolite : CLOCHE DE SEAINT VEAINSAN) et 1896 (Sainte Anne). L’objet le plus précieux de l’église est une belle croix de procession couverte de feuilles d’argent, attribuée à Jean Chavagnac, orfèvre de Rodez, du milieu du XVe s. (cl. MH 1938) ; elle est conservée aujourd’hui à Rodez.

Les toitures posant un problème d’étanchéité, la commune a lancé un programme de réfection de couverture, lourd pour son petit budget, nécessitant de ce fait la contribution d’une association locale, de la Fondation Sauvegarde de l’Art Français (10 000 €), du fonds départemental de Sauvegarde du Patrimoine rural, du Conseil général et de la dotation de l’État au titre de la DETR–DGE.

Jean Delmas

Bibliographie :

Arch. dép. Aveyron, 1 E 1662 (1554) ; G 108 (1669) ; 3 G 19 bis (1539) ; 3 G 346 (1427).

Arch. diocésaines, dossier de Cassagnes-Comtaux.

Le projet en images