La donation du Rosaire à sainte Catherine de Sienne et saint Dominique, découverte par deux étudiantes engagées dans la campagne du Plus Grand Musée de France en 2018, est en cours de restauration par les soins de Justyna Verdavaine de l’atelier OCRE. 

La toile, datée du milieu du XVIIème siècle, était oubliée depuis des années dans le grenier du presbytère. Très dégradée, l’œuvre retrouve son éclat et révèle la richesse de son iconographie.

Le nettoyage fait apparaître la riche iconographie de l’œuvre.
© Justyna Szpila Verdavaine

Sauvée grâce à la campagne du Plus Grand Musée de France

Le sauvetage de La Donation du Rosaire débute par sa redécouverte fortuite en 2018 : remisée sans aucune mesure de conservation, l’œuvre avait été négligemment oubliée dans le grenier du presbytère de Saint-Laurent-sur-Oust. La toile est ainsi restée près de 40 ans dans un environnement qui ne pouvait que dégrader la composition du XVIIème siècle. Alors que la commune vient de vendre l’ancien presbytère, la toile refait surface, à peine lisible tant l’encrassement est conséquent.

La Donation du Rosaire avant restauration

Mais c’était sans compter sur l’engagement de deux étudiantes de Sciences Po, Azénor Chalmel et Lorraine Lebrun, dans la campagne du Plus Grand Musée de France. Avec l’aide de Diego Mens, CAOA du Morbihan, de l’équipe municipale et de Pierre Murat, parrain de l’opération, elles lancent une souscription pour restaurer cette donation du rosaire.

L’aspect inédit de cette œuvre ainsi que la mystérieuse histoire de son abandon mobilisent localement et conquièrent le jury de la Fondation d’Entreprise Michelin qui décerne un Prix à l’œuvre afin d’aider à sa restauration.

La toile quitte Saint-Laurent-sur-Oust en début d’année pour les ateliers de restauration OCRE près de Rennes.

constats sur l’etat général de l’oeuvre

Justyna Szpila Verdavaine, restauratrice en charge de la première campagne de travaux sur La Donation du Rosaire, nous a détaillés les différentes étapes de cette restauration. Nous la remercions chaleureusement pour ses explications sur le travail mené pour redonner vie à la toile.

Une œuvre en péril 

Le premier constat à la réception de l’œuvre est son état très préoccupant, voire alarmant. A première vue, la toile semble irrécupérable. En effet, l’œuvre est présentée sans châssis, mais tout de même fixée sur une planche par les services municipaux afin de ne pas la dégrader plus lors de son transport. La poussière et l’épaisse couche de vernis la rendent presque illisible.

La toile qui supporte l’œuvre est composée de plusieurs morceaux de tissus cousus ensemble et chevronnés. Cette matière très souple ainsi que le manque de support n’ont pas favorisé sa conservation, notamment dans l’humidité de l’église puis du grenier, causant de lourds dégâts à la toile, en particulier dans sa partie inférieure.

Ces dégâts ont engendré des lacunes importantes ainsi que des pertes de la couche picturale. Dans la partie inférieure de la toile, c’est près d’une dizaine de centimètres de l’œuvre qui sont ainsi déchirés ou manquants.

Probablement issue d’un retable, l’œuvre a été déposée et remisée en raison de son état général déplorable il y a plusieurs décennies.

© Justyna Szpila Verdavaine

De précédentes tentatives de restauration

La Donation du Rosaire présente les traces de plusieurs tentatives de restaurations, certainement effectuées au XIXème siècle et au XXème siècle. Plusieurs zones ont ainsi été nettoyées et des repeints appliqués pour les lacunes les plus importantes.

© Justyna Szpila Verdavaine

Un important repeint a ainsi été déposé sur la Vierge. Cette restitution présentait une épaisseur différente et n’était pas en accord avec les couleurs originales, faute de nettoyage suffisant. La question se pose de la réintégrer à la toile ou simplement de la conserver à part, avec la documentation liée à l’œuvre.

Une restauration Fondamentale

La première étape de la restauration a consisté en un nettoyage global de l’œuvre pour la débarrasser de la poussière et des couches de vernis.

Justyna Szpila Verdavaine nous détaille avec précisions les différentes étapes de cette campagne de restauration :

« Le tableau a été dépoussiéré au revers avec des éponges Wishab. Ces éponges ont permis d’enlever la poussière et les salissures incrustées. À cette occasion nous avons découvert que le revers est couvert d’une couche de préparation ou peinture rouge. Également, le support toile d’armure sergé est composé de plusieurs morceaux cousus entre eux. Le bord inférieur est très abîmé, probablement à cause d’une humidité excessive à cet endroit-là.

La couche picturale présentait une couche importante d’encrassement et le vernis était très oxydé et chanci (phénomène d’opacité survenu par la condensation d’eau dans les microfissures du vernis). Elle a été décrassée avec du sel d’ammonium tribasique dans de l’eau déminéralisée à 2,5%. Le vernis a été enlevé partiellement à sec (scalpel, cotons) ou bien avec des solvants (éthanol avec des ajouts d’alcool benzylique, heptane et d’autres solvants). De nombreux repeints ont également été supprimés par les solvants (Méthyléthylcétone). »

Les déchirures et les zones fragilisées ont été consolidées par le revers, cela avant la seconde étape qui sera le doublage de la toile dans les ateliers de Kiriaki Tsesmeloglou à Nantes. La restauratrice va travailler sur les manques de toile, découper des gabarits pour les parties manquantes et refaire ces pièces. Le tableau sera doublé sur une table basse pression afin de coller une autre toile et de le renforcer.

Tous les produits utilisés prennent bien sûr en compte les paramètres de réversibilité et les problématiques liées au vieillissement de la toile.

« C’est un moment important dans la vie d’un tableau, on sort tout notre arsenal de moyens, d’où l’intérêt d’une phase préalable de traitement »
J. Verdavaine

La renaissance du rosaire

Grâce à l’engagement des bénévoles, à l’aide des services de conservation du Morbihan, et surtout au concours des donateurs et de la Fondation d’Entreprise Michelin, la restauration de La Donation du Rosaire à sainte Catherine de Sienne et saint Dominique sera achevée en 2021. L’œuvre pourra ainsi regagner son écrin d’origine, l’église de Saint-Laurent-sur-Oust, où tous pourront profiter de cette part d’histoire vivante de la Bretagne et de son iconographie si singulière.

Nous ne manquerons pas de vous informer des suites de cette restauration impressionnante.

© Justyna Szpila Verdavaine