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Dédiée à l’Assomption de la Vierge et à saint Maximien, l’église paroissiale de Fontaine-Chalendray est située dans la partie la plus élevée de l’ancien bourg fortifié de Fontaine ; le nom de Chalendray dériverait de Chalende, nom anciennement donné à un cours d’eau voisin, l’Antenne, qui prend sa source au pied de la butte sur laquelle est établi le village. S’il ne semble subsister aucun vestige apparent du château dont l’église aurait été, à l’origine la chapelle castrale, on peut encore suivre assez bien le tracé de l’enceinte extérieure du bourg, partiellement conservée en élévation du côté sud.

Le plan de l’église est très simple : une nef unique de trois travées débouche sur un chœur à chevet plat, légèrement plus étroit que la nef et qui était séparé d’elle par un arc triomphal à double rouleau, soutenu, de chaque côté, par une colonne engagée et un pilastre. Le mur oriental du chevet est conforté, à l’extérieur par quatre minces colonnes engagées, encadrant trois fenêtres étroites. À une date difficile à préciser, une fenêtre assez large a été percée dans le mur sud du chevet.

Pour des raisons qui demeurent obscures (installation de stalles ?) la partie inférieure des colonnes engagées qui soutenaient les doubleaux de la nef, a été supprimée, sans doute au cours du XIIIe siècle ; du côté nord, une base polygonale reposant sur un culot (un motif végétal -refait ?- pour l’un, une grosse tête masculine imberbe pour l’autre) soutient la partie supérieure du fût.

Voûtes et doubleaux ont disparu, remplacés par un plafond de bois, et une tribune, soutenue par des colonnes toscanes en bois, peintes en faux-marbre, occupe le revers de la façade occidentale. La suppression de deux des contreforts du mur gouttereau nord de la nef, n’entraîna pas de désordres trop importants et la construction, au cours du XIXe s., d’une sacristie au nord du chœur vint, dans une certaine mesure compenser leur disparition. Du côté sud, deux des contreforts, longtemps colonisés par le lierre, ont été, lors de récents travaux de restauration, déposés et remontés.

Modeste par ses dimensions et par son parti architectural, l’église de Fontaine-Chalendray mérite cependant de retenir l’attention par deux particularités, l’une touchant à son décor sculpté, l’autre de nature héraldique.

La façade est, en effet, caractérisée par la présence, au-dessus d’un portail en plein cintre à triple voussure, d’un certain nombre d’éléments sculptés : à gauche, une figure du Christ assis, acéphale et privée de ses bras, placée à l’intérieur d’une mandorle dont la partie inférieure a disparu ; au même niveau, et pratiquement dans l’axe de la porte, douze petits personnages assis, acéphales eux aussi, sont alignés dans un enfoncement assez profond dont la partie supérieure est constituée par une suite de douze petits arcs ; comme chacun des personnages porte sur ses genoux une sorte de tablette, l’ensemble a été interprété comme une représentation de la Cène. Plus haut, à droite, un autre enfoncement rectangulaire abrite les restes de quatre figures ; les deux premières, en partant de la gauche, de même que la quatrième, pourraient être féminines ; cette dernière, ainsi que la troisième, étaient probablement représentées assises ; on a lu à côté de ces personnages, les mots «Virgo » et « Iosef ». Au même niveau, mais à gauche, touchant presque la partie supérieure de la mandorle déjà mentionnée, un lion ailé, en assez fort relief, peut-être, en dépit de ses mutilations, interprété comme le symbole de l’évangéliste Marc ; enfin, presque au sommet du contrefort nord, a été insérée une petite tête, plus animale qu’humaine. Une hypothèse récurrente veut que ces sculptures proviennent de l’ancienne église paroissiale, située au hameau tout proche de Saint-Maixent (déformation de Maximien ?) dont quelques vestiges (chapiteaux et modillons) ont été signalés mais sans localisation précise et ne semblent plus repérables. Une tradition locale affirme par ailleurs que la mutilation des figures est le résultat d’une «expédition justicière» menée en 1832, par la Garde nationale de Gicq (Charente-Maritime) à l’encontre des habitants de Fontaine-Chalendray.

Il paraît cependant plus vraisemblable de considérer que la partie supérieure de la façade de l’église de Fontaine-Chalendray avait été pourvue, lors de sa construction au cours du deuxième quart du XIIe s., d’un décor sculpté à l’iconographie assez complexe ; deux modillons (une tête humaine et deux animaux accolés)  de la corniche originelle subsistent d’ailleurs, encore en place, au sud  du contrefort senestre de la façade actuelle. Le portail, pratiquement aniconique, fut probablement, de ce fait, épargné durant les guerres de Religion, alors que tout ce qui le surmontait était mis à bas en même temps que la voûte de la nef, peut-être par les troupes du chef huguenot La Noue dit Bras-de-Fer. Comme pour d’autres églises de la région, lors de la remise en état des lieux de culte catholiques, on réutilisa, par économie mais aussi sans doute afin de ne pas profaner les pierres d’un  édifice sacré, les matériaux provenant des parties détruites. La façade, remontée et complétée à son sommet par un clocher-peigne à deux arcades dont l’une des cloches, qui porterait la date de 1583, fournit peut-être un élément chronologique fiable pour ces travaux, ne fut qu’imparfaitement liée à la maçonnerie des murs gouttereaux de la nef ainsi qu’il a été constaté à l’occasion de la récente restauration de l’édifice. On intégra, dans son parement, sans grand souci de cohérence iconographique mais avec un soin incontestable, les « images saintes » que l’on avait pu récupérer. Le résultat ne retiendrait guère l’attention dans une région qui compte de nombreuses façades au décor sculpté beaucoup mieux conservé si, examinés dans le détail, les pauvres vestiges de celle de Fontaine-Chalendray, ne se révélaient d’une surprenante qualité ; le décor de la bordure de la mandorle, si difficile à déchiffrer qu’il soit, comporte en particulier des figures dont l’élégance et la finesse d’exécution sont encore perceptibles. La sculpture intérieure de l’église n’est pas non plus négligeable : les chapiteaux historiés qui supportaient le second doubleau (une variante du thème de Daniel au nord, et une Sirène au sud) sont d’une facture très honorable et ceux, à décor végétal, qui soutenaient l’arc triomphal, sont d’une remarquable vigueur.

Le décor peint mérite lui aussi de retenir l’attention ; si les vestiges qui auraient subsisté, au dessus du plafond actuel (sur les sommiers de la voûte ?) ne sont plus visibles, les restes d’un important décor héraldique, pouvant remonter au XVe s., a été mis au jour dans l’angle nord-ouest du chœur ; il est recoupé par une litre funéraire, qui se retrouve sur le mur nord de la nef (en deux états successifs) et dont les blasons  (écartelé au 1 et 4 fascé d’argent et d’azur de six pièces, au 2 et 3 de gueule plein) correspondraient aux armoiries de Louis IV de Montbron, baron de Fontaine ; son fief, érigé en comté (d’où un changement dans l’aspect de la couronne qui timbre les blasons ?) passa ensuite aux Salignac-Fénelon (une tradition veut même que Fénelon ait fréquenté l’église) puis aux Laval. Par une disposition relativement rare, une seconde litre comportant des éléments héraldiques comparables a été peinte à l’extérieur du mur oriental du chevet.

En fait de mobilier, en dehors de la cloche déjà mentionnée (cl. M.H.) et d’un coq de clocher en fer découpé, déposé dans le jardin au nord de l’église, on peut citer une cuve ovale en marbre, posée sur un pied en forme de balustre d’un dessin élégant, actuellement utilisée comme fonts baptismaux, mais qui a été considérée comme un bénitier ; elle porterait la date de 1685. Une toile anonyme, dans un état plutôt médiocre, représentant l’Assomption de la Vierge, ne semble pas entrer dans la catégorie des copies dont l’État dota généreusement bien des églises durant la période concordataire et pourrait être une composition originale du milieu du XIXe siècle.

Sans mettre l’édifice en état de péril, les maçonneries de l’église de Fontaine-Chalendray présentaient, en 1997, des désordres suffisamment graves (fissures, infiltrations, désagrégation partielle des blocages internes) pour que la municipalité prenne la décision d’en entreprendre la restauration : le devers du clocher-peigne fut ainsi corrigé, les contreforts sud déposés après calepinage et remontées en assurant une meilleure liaison avec le mur gouttereau, les parements extérieurs du chevet consolidés et rejointoyés, la litre nettoyée et refixée ; à l’intérieur quelques pierres éclatées ont été changées et les glacis des baies repris et consolidés. Par ailleurs les vestiges du décor héraldique ont été refixés et complétés ; la peinture du plafond consolidée et nettoyée. La Sauvegarde de l’Art français a contribué à ces travaux pour une somme de 7 000 € en 2009.

Jean-René Gaborit

 

Bibliographie :

  1. Connoué. Les églises de Saintonge, t. III, Saint-Jean-d’Angély et sa région . Saintes, 1957, p. 74-76, pl. 62.
  2. Crozet. L’Art roman de Saintonge, Paris, 1971, en particulier p. 93, 134, 138, 140, 142 et 150 (n.64), pl. XLVI A.
  3. Lacoste (dir.). La sculpture romane en Saintonge. Bordeaux, 1998, p.356.
  4. Le Patrimoine des Communes de la Charente-Maritime, Paris, 2002.

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