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Toul - Chapelle de Libdeau - SAF

Treize maisons du Temple furent établies en Lorraine après la reconnaissance officielle de l’ordre au concile de Troyes (1129) ; celle de Libdeau, en bordure de la voie antique de Lyon à Trèves, proche d’un cours d’eau et de la cité épiscopale de Toul, fut fondée vers 1165[1]. La commanderie bénéficia d’emblée de l’appui des évêques du lieu.

À la suppression de l’ordre du Temple, en 1312, la commanderie fut dévolue à l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem, devenu Ordre souverain de Malte en 1530. Au XIVe s., alors qu’elle était probablement sous la garde ducale, elle eut à subir comme nombre de prieurés ou abbayes d’ordres religieux récents, les conséquences des guerres féodales ; en 1342, en quatre expéditions successives, tout son cheptel fut ainsi raflé[2].

À la fin du XVIe s., elle fut unie à celle de Xugney, dans les Vosges, d’origine templière également. Le commandeur et les frères, dès cette époque, ne résidaient plus ni à Libdeau, ni à Xugney, mais à l’Hôtel de Malte à Toul. L’activité agricole fut affermée. La chapelle ne fut pas laissée à l’abandon pour autant puisque les frères capucins de Toul, rétribués par les fermiers de Libdeau, y assurèrent jusqu’à la fin de l’Ancien Régime les messes des dimanches et fêtes liturgiques. Au XVIIIe s., à l’occasion d’une visite diligentée par l’ordre de Malte, un inventaire du mobilier de la chapelle fut dressé, qui relève : un autel à la romaine, des lavabos et un gradin de pierre portant des représentations de la Vierge, saint Jean-Baptiste, saint Jean l’Évangéliste et des apôtres, des vêtements, du linge et des objets liturgiques[3]. Des procès-verbaux « d’améliorissement de Xugney et Libdo », de 1763, témoignent de la campagne de travaux menée par le commandeur Louis Robert de Bermondes[4].

À la Révolution, la chapelle subit pillage et dégradations avant d’être vendue avec les autres bâtiments de la commanderie et les terres adjacentes, en 1794 et comme bien national, aux fermiers de la commanderie depuis le XVIIe siècle. Affectée à l’exploitation agricole, la chapelle fut quelque peu dénaturée : un mur partagea la nef en deux, les deux premières travées servirent de magasin à fourrage, la troisième et le chœur furent convertis en logis sur deux niveaux, avec cheminée et escalier intérieur. L’ensemble fut conservé par les Chauxcouillon et leurs descendants jusqu’en 1938. Le domaine et les bâtiments agricoles furent alors vendus, la chapelle conservée, et la partie à usage agricole louée aux nouveaux exploitants du domaine. L’état du bâti se dégrada dès lors inexorablement.

Malgré sa décrépitude, Pierre Simonin relevait en 1992 que la chapelle, édifiée à la charnière des XIIIe et XIVe s., restait « en Lorraine, le témoin le plus complet et le mieux conservé de nos chapelles du Temple de plan rectangulaire »[5]. L’édifice respecte un parti architectural habituel à l’époque de sa construction, toujours selon P. Simonin : « De larges contreforts scandent les parois latérales, implantés obliquement aux angles de la façade et du chevet (…qui) se terminent par un pignon »[6]. Sous une rose à douze compartiments, d’une grande finesse d’exécution, le portail d’entrée, composé de deux colonnettes à chapiteaux portant un arc trilobé sous un plein-cintre et qui coiffe un tympan sculpté (Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste, entre deux anges thuriféraires vêtus l’un d’une chape, l’autre d’une dalmatique diaconale), fut déposé et transféré au Musée lorrain en 1963. L’espace intérieur de la chapelle est rythmé par trois travées aux voûtes à nervures portées sur des colonnes engagées à chapiteaux moulurés. La façade sud est percée de trois hautes baies à meneau, la façade nord d’une seule, et le chevet d’une large baie à trois lancettes surmontée d’un oculus.

L’inscription de la chapelle à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques[7] n’empêcha pas l’édifice de souffrir des intempéries. Un pan de la toiture, au niveau de la première travée, s’effondra en 2011. L’accident suscita la création d’une association de sauvegarde, le Comité pour l’étude et la restauration de la chapelle templière de Libdeau (CERCTL), qui put se porter acquéreur de la chapelle, cédée pour l’euro symbolique en 2012 par l’indivision qui en était propriétaire. Alors que les intempéries de l’hiver 2013 provoquaient l’effondrement d’une partie des voûtains de la première travée, l’association achevait de réunir les financements nécessaires aux travaux d’urgence afin de mettre l’édifice hors d’eau. Cette campagne fut rendue possible grâce à une subvention exceptionnelle octroyée par la Fondation du patrimoine et au résultat de sa souscription publique, au soutien des collectivités locales (Région Lorraine, Département de Meurthe-et-Moselle), du ministère de la Culture (direction régionale des Affaires Culturelles), de la Sauvegarde de l’Art français et du faisceau des entreprises impliquées dans les travaux[8]. Menée de juin à septembre 2013, elle permit la reprise et la consolidation du pignon est, des murs gouttereaux, du contrefort est de la façade nord, celle de la toiture conservée, la pose d’une charpente provisoire et d’une couverture en bac acier sur la partie effondrée, première étape d’un projet au long cours.

La Sauvegarde de l’Art français a accordé une aide de 5 000 € en 2013 pour des travaux d’urgence avec mise en place d’une couverture provisoire.

Hélène Say

La Chapelle saint-Jean-Baptiste A REÇU LE PRIX PÉLERIN De la transmission et du partage, ATTRIBUÉ PAR LA SAUVEGARDE DE L’ART FRANÇAIS EN 2013 et 2019:

Bibliographie: 

–  Arch. dép. Meurthe-et-Moselle, B 620, en part. n° 19 : copie de la confirmation par l’empereur Charles IV des privilèges accordés par les empereurs aux commandeurs de l’hôpital Sainte Marie de la maison teutonique de Jerusalem pour les biens leur appartenant en Lorraine (1355) ; H 3155 : Commanderies de Xugney et Libdeau (en part. copies [1756], d’après un registre des environs de 1260, de donations faites au Temple de Libdeau, 1214-1235 ;  et procès-verbaux de visites de la commanderie de Toul et de Libdeau, 1649-1756) ; H 3156 : procès-verbaux des améliorations faites aux commanderies de Xugney et Libdeau (1696-1790) ; H 3160 : Terrier du membre de Libdeau (1656), mentionnant la chapelle  Saint-Jean de Libdeau ; H 3165 : Plans (1763) ; 1 Q 546-I, n° 327, vente des biens nationaux : ferme de « Libdo » (6 thermidor an II, 24 juillet 1794).

– P. Simonin, « L’ancienne chapelle des templiers de Libdeau », Études touloises, n° 61, 1992, p. 21-25.

– A. Girardot, « La guerre au XIVe siècle : la dévastation, ses modes, ses degrés », Bulletin de la Société historique et archéologique de la Meuse, n° 30-31, 1994-1995, p. 18-19.

– M. Henry, Itinéraires templiers en Lorraine, Metz, 1998, 288 p.

– J.-M. Roger, « Les différents types de commanderies du prieuré de Champagne au XVe siècle », dans A. Luttrell et L. Pressouyre (dir.), La commanderie, institution des ordres militaires dans l’Occident médiéval, Paris, 2001, p. 29-56.

– B. Siffert, « Renaissance de la chapelle de Libdeau », Le Pays lorrain, t. 94-4, déc. 2013, p. 367-370.

– N. Bonne, Note historique, 2014, 4 p. dactyl.

[1] B. Siffert, « Renaissance de la chapelle de Libdeau », Le Pays lorrain, t. 94-4, déc. 2013, p. 367-370.

[2] A. Girardot, « La guerre au XIVe siècle : la dévastation, ses modes, ses degrés », Bulletin de la Société historique et archéologique de la Meuse, n° 30-31, 1994-1995, p. 18-19.

[3] Arch. dép. Meurthe-et-Moselle, H 3156.

[4] Ibid.

[5] P. Simonin, « L’ancienne chapelle des Templiers de Libdeau », Études touloises, n° 61, 1992, 21-25.

[6] Ibid., p. 21

[7] Arrêté du préfet de la Région Lorraine du 6 février 1995.

[8] B. Siffert, « Renaissance de la chapelle de Libdeau », art. cit., p. 368-369.

Le projet en images

Toul - Chapelle de Libdeau - SAF

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